Les Forçats de la Route
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Thème
Dès sa création, alors même qu’avant la guerre de 1914, l’Alsace-Lorraine lui était interdite, le Tour de France a su réunir le territoire national et surtout représenter la France profonde. Albert Londres, grand reporter des questions sociétales, suit le millésime 1924 de cette grande boucle et nous fait vivre des coulisses surprenantes, où l’effort absolu est la règle, avec des étapes de 350 à 400 kilomètres par jour. Les coureurs qui partent de nuit, sur des routes à peine carrossables, et qu’il va surnommer les forçats de la route pour ce « Tour souffrance. »
Points forts
1- Certes, nous voyons chaque année les coureurs s’élancer dans ce Tour dont le parcours géographique n’a plus rien d’hexagonal, et nous constatons leur souffrance. Il est arrivé que certains y perdent la vie. Mais cela se fait sous le regard des caméras, sur des routes goudronnées avec des équipes de suiveurs et d’assistance bien coordonnées. A l’époque il n’en n’est rien. Chaque coureur a les boyaux de secours de ses roues enroulés autour du corps et chaque étape est un effort surhumain.
2 - Même si l’on n’est guère fasciné par le vélo, on ne peut qu’être touché par le sujet. On comprend très vite pourquoi Nicolas Lormeau se l’est approprié en incarnant Albert Londres lui-même. La description de cette cuvée 1924 de l’événement qu’il a couvert, comme on dit en jargon de métier, pour le compte du journal « Le Petit Parisien », est pour nous sidérante. Dans la scénographie sommaire du décor de la chambre d’hôtel du journaliste, le téléphone a une place considérable. Les commentaires de Nicolas Lormeau en direct, laissent vite la place à ceux d’Albert Londres lui-même, enregistrés sur les projections des films ou des photos de l’époque en noir et blanc. Et pourtant, cite-t-il : « On aurait juré une fête vénitienne, car ces hommes, avec leurs maillots bariolés, ressemblaient de loin à des lampions. »
3 - Nicolas Lormeau est très convaincant lorsqu’il évoque l’une des problématiques de ce tour où sont attendus les célèbres « Frères Pélissier », grands favoris. Ceux-ci ont abandonné dès la troisième étape en protestation contre les organisateurs. Londres les retrouve dans une auberge de Coutances. Des secrets lui sont alors dévoilés. Finalement c’est un italien, Ottavio Bottechia, qui gagnera.
4 - L’adaptation de Nicolas Lormeau est vive et l’on sent combien il s’est pris d’amitié, voire de tendresse, pour ces hommes simples et courageux, dont il nous montre des visages souriants et presque enfantins après l’effort.
Quelques réserves
Je n'en vois pas.
Encore un mot...
C’est l’effort surhumain qui est traité ici. Le Tour de France de ces années-là rend hommage à tous les obscurs, les sans grades qui se tuaient la santé au fond des mines où ailleurs dans des conditions si difficiles. En 1924 ils partirent 160, 60 seulement franchirent la ligne d’arrivée.
Une phrase
Citant Henri et Francis Pélissier :
« Voulez-vous voir comment nous marchons ? Tenez... De son sac il sort une fiole :
- Ça c'est de la cocaïne, pour les yeux, ça c'est du chloroforme, pour les gencives...
- Et des pilules. Voulez-vous voir des pilules ? Tenez, voilà des pilules.
- Ils en sortent trois boîtes chacun.
Bref, dit Francis, nous marchons à la dynamite. (…) Pour boire, il faut pomper soi-même. Un jour viendra où l'on nous mettra du plomb dans les poches, parce que l'on trouvera que Dieu a fait l'homme trop léger. »
L'auteur
Albert Londres (1884-1932), grand reporter, a parcouru la planète pendant 18 ans, pour porter témoignage de la marche du monde. Il débute au « Matin » et changera souvent d’employeur, en raison de la vivacité de ses reportages. Son style est concis, vif, souvent passionné. Correspondant de guerre, sa notoriété naîtra avec le reportage quasi en direct du bombardement de la cathédrale de Reims. Il aura souvent des problèmes avec les autorités, depuis la jeune URSS, en passant par le bagne de Cayenne-« usine à malheur », ou l’Inde en mouvement d’indépendance, ou encore la Chine en plein chaos. Il mourra dans l’incendie de son bateau dans la nuit du 15 au 16 mai 1932 au large d'Aden.
Depuis 1933, le prix Albert Londres récompense les meilleurs journalistes francophones.
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