Les Démons

Dostoïevski, torrentueux et visionnaire. Mais c'est trop long...
De
Dostoïevski
Mise en scène
Sylvain Creuzevault
Avec
Nicolas Bouchaud, Valérie Dréville, Vladislas Galard, Michèle Godet, Arthur Igual, Sara Lolov, Léo-Antonin Lutinier, Frédéric Noaille, Amandine Pudlo, Blanche Ripoche, Anne-Laure Tondu
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Odéon Théâtre de l’Europe: Ateliers Berthier
1 rue André Suarès
75017
Paris
0144854040
ATTENTION: dernière, le 21 octobre (du mardi au samedi à 19h30; le dimanche à 15h)

Thème

Le roman fleuve de Fédor Dostoïevski, paru entre 1871 et 1872 en feuilleton,  décrit à travers 15 personnages, passionnés, pervers ou repentis, violents ou manipulateurs, amoureux ou cyniques, les soubresauts d’un monde qui porte en germe toutes les souffrances, rêves et ambitions qui le conduiront à l’explosion puis à la violence de la dictature qui l’emportera près de quarante ans plus tard.

Tous les personnages, à tour de rôle, s’affrontent, se déchirent, ils brûlent de l’intérieur dans un ballet suicidaire. La mise en scène est intemporelle, leur monde est de la Russie blanche finissante, il est aussi le nôtre, aujourd’hui.

Malgré la puissance et la lumière de quelques instants de grâce – comme l’échange sur  la faute et le pardon entre l’évêque Tikhone et Stavroguine – la vague nihiliste, de gré ou de force, emportera tout. La mort restant l’unique issue.

Points forts

1 La troupe.  Tous les comédiens sont exceptionnels. Ils font déferler sur les Ateliers Berthier une énergie, une puissance et nous embarquent tous dans leurs tempêtes, qu’elles soient intérieures ou scénographiques, sous tous les registres du drame et de la comédie. Leur expression – et c’est vrai pour les onze acteurs, comme pour leurs vingt sept personnages qu’ils incarnent – est totalement libérée, juste et d’une puissance impressionnante. La magie sans doute de l’adaptation du texte et de la direction d’acteurs de Sylvain Creuzevault.

2 L’adaptation du texte  et la direction d’acteurs. Sylvain Creuzevault s’est ‘librement inspiré’ du roman de Fédor Dostoïevski dit élégamment le dossier de presse. Alors que souvent cette libre inspiration aboutit à des catastrophes… on assiste ici à une totale réussite. Le travail que Sylvain Creuzevault a accompli à partir de la traduction d’André Markowicz a nourri, au fil des répétitions, les comédiens. Ils s’en sont imprégnés au point de libérer leur capacité d’interpréter  tout en personnalisant leur texte, devenant véritablement acteurs  des drames qui s’enchevêtrent sur scène.

3 La relation scène/public.  En réalité, c’est la relation entre scène et spectateurs qui est intéressante. Bien souvent utilisée, l’abolition de la distance acteurs/public ou scènes/gradins n’aboutit à rien d’utile ou de convaincant… Ici, dès le début, les bouteilles de champagne passe des acteurs aux spectateurs, sur la scène des bancs accueillent indifféremment spectateurs et acteurs,  à plusieurs occasions des personnages, sortent de leur rôle, pour aider le public à se retrouver et à comprendre la pièce… tout cela ici fonctionne bien. On ne comprend pas tout… mais on est emporté !  La feuille anti-panique que l’on nous remet avant le spectacle est un sésame indispensable, même dans le noir elle nous fait comprendre qu’il y a toujours une clef et que là aussi, il faut baisser la garde et se  laisser prendre par la tornade. Une tornade qui emporte tout comme elle emportera la Russie de Dostoïevski.

Quelques réserves

1 Le décor. Ni laid ni beau, ni juste ni faux, il est muet et n’apporte rien.  Mais pouvait il en être autrement ? Et puis, quelle importance ? La tornade l’aurait emportée...

2 Quatre heures. Quatre heures à ce rythme … ce n’est pas à la portée de tous. C’est une épreuve à laquelle il vaut mieux se préparer. Si c’est trop pour vous… il vous reste les 900 pages de l’édition de Poche.

Encore un mot...

… Faire d’un roman fleuve - feuilleton au long cours, une plongée hallucinée dans les ténèbres intérieures: la tornade emporte tout.

Une phrase

« Ecoutez, père Tikhone, je veux obtenir mon propre pardon, et c’est là mon but principal, mon but unique, déclara tout à coup Stavroguine avec un enthousiasme sauvage. C’est alors seulement, je le sais, que la vision disparaîtra. Voilà pourquoi j’aspire à une souffrance démesurée, je la recherche moi-même. Ne m’effrayez donc pas ou bien je périrai de rage. «

L'auteur

Evoquons plutôt le réalisateur-metteur en scène: Sylvain Creuzevault est né en 1982. Encore collégien il crée la Compagnie ‘D‘ores et Déjà’ avant d’entrer à l’école Jacques Lecocq. Il commence sa carrière comme comédien à 18 ans (Tchékhov, Camille Claudel) puis monte ‘Les mains bleues’ de Larry Tremblay.

Il adapte ‘Le Capital’ de Karl Marx, puis ‘Faust’ de Gœthe. Avec ‘Le Baal’ de Brecht, il ouvre les portes de l’Odéon, dont il deviendra artiste associé.

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