Les Créanciers
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Thème
Dans une chambre d’hôtel d’une station balnéaire, deux hommes partagent une étrange conversation amicale. Le plus jeune, Adolf, remercie Gustaf qui lui a prodigué les attentions et conseils qui l’ont aidé à sortir d’une grave dépression. Pourtant, Gustaf ne se montre guère tendre envers son nouveau protégé. Il pratique une sorte d’esprit incisif, souvent drôle, mais cruel qui place le jeune homme dans une position déstabilisante.
A l’origine de son mal être, Gustaf identifie Tekla, l’épouse d’Adolf, dont ce serait le second mariage. La carrière d’Adolf décline tandis que celle de Tekla ne cesse de croître. Adolf défend son épouse.
D’une manière assez machiavélique, Gustaf propose au mari de se cacher dans la chambre d’à côté, pour lui révéler la véritable nature de sa femme.
Points forts
1- Sur un sujet très fort, Didier Sandre est le véritable piano conducteur de ce huis clos impitoyable. Implacable et charmeur, cruel et drôle, c’est lui qui avance ses pions comme des chars d’assaut contre le pauvre Adolf éperdu. Il détient une sorte de créance puisque c’est lui qui fit éclore cette femme désormais épouse d’Adolf, mais qui fut la sienne auparavant. Il a souffert profondément, cela se sent et se voit dans une dialectique subtile, toute en nuance et en autorité, avec intelligence et machiavélisme.
2- Excellente mise en scène d’Anne Kessler qui modernise quelque peu le propos, soutenue par les comédiens. Stéphane Pouderoux est empli d’une émotion intense, crédible et réussie. Adeline d’Hermy est exquise, mais peut-être un peu trop jeune et trop fraîche pour avoir été si redoutable et redoutée.
3- Le texte est magnifique. La misogynie habituelle chez Strindberg est ici exprimée de manière plus douce puisque l’amour triomphe, comme le constate Gustaf à la fin, lui qui a renoncé à sa « créance ».
Quelques réserves
Je n'en vois pas.
Encore un mot...
Spectacle fort et intense, porté par de grands acteurs. Peut-on pardonner aux êtres auxquels on a tout donné de ne pas se montrer reconnaissants? C’est la question posée avec cette étrange « créance » dont parle Strindberg, par la bouche de Didier Sandre, magnifique.
Une phrase
Adolf : Je n’ai pas de secret pour toi. Il faut que tu saches que ma femme est une nature disons…indépendante. Qu’est-ce qui te fait rire ?
Gustaf : Rien, continue. Elle était d’une nature indépendante…
Adolf : Elle ne voulait rien me devoir.
Gustaf : Mais aux autres…par contre…là, oui.
Adolf : (après un silence) En effet. Tiens, par exemple, elle m’apporte une sorte de contradiction systématique…sur tout… Mais si quelqu’un d’autre reprenait mes points de vue, alors elle était d’accord. Uniquement parce que cela ne venait pas de moi.
Gustaf : Ah oui… Ca ne rend pas très heureux ce genre d’attitude.
L'auteur
August Strindberg (1849-1912) est une personnalité complexe et passionnée. Auteur dramatique, écrivain, peintre, photographe, il passe du naturalisme à l’expressionnisme, voire à l’occultisme dans la fin de sa vie. Ses trois mariages furent douloureux et son œuvre est marquée par cette étude intime. Elle fait de lui un grand inspirateur du théâtre moderne. Il considérait « Les Créanciers », qu’il qualifiait de tragi-comédie, comme sa pièce la plus aboutie.
J’ai l’envie ici de rappeler une très belle version d’une oeuvre onirique de Strindberg, qui existe en DVD, « Le Songe », dans la mise en scène de Raymond Rouleau (1904-1981), avec Isabelle Adjani. Vous verrez, ce DVD vaut le détour.
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