Le Souper

De
Jean-Claude Brisville
Mise en scène
Daniel Benoin
Avec
Niels Arestrup, Patrick Chesnais
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène
75008
Paris
0142650709

Thème

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1815, Talleyrand et Fouché se rencontrent. Wellington occupe Paris. Waterloo est passé par là et Napoléon est en exil. Quel régime pour sortir la France de l'ornière et, pour l'un comme l'autre, comment tirer son épingle du jeu? Les deux fauves sont condamnés à s'entendre. Belle partie d'échecs en perspective...

Points forts

1 Pas besoin d'insister sur les qualités du texte lui-même. Elles sont connues depuis la création, à grand succès, de la pièce, en 1989, avec comme interprètes, Claude Rich et Claude Brasseur.

2 L'apport essentiel de cette production, c'est la prestation de Niels Arestrup. Il fait preuve d'une présence exceptionnelle, d'une finesse étonnante dans le maniement des idées et plus encore dans l'expression des sentiments. Il tire vraiment son personnage vers le haut et rend ainsi justice à la dimension hors du commun de Talleyrand qui, à travers ses vices, fut toujours animé par un amour profond de la France qu'il a, en définitive, admirablement servi.
Au risque de surprendre, je dirai qu'il y a du de Gaulle dans ce Talleyrand là, non pas, bien sûr, du point de vue de la personnalité ni de l'idéal et du désintéressement, mais dans sa manière de privilégier la Raison d'Etat.
De ce point de vue, Talleyrand ne triche pas lorsqu'il dit :"J'ai toujours été fidèle à la France".

Quelques réserves

J'en vois deux:

1 La pièce, brillante, a son moment de faiblesse, à la fin, avec le récit de souvenirs d'enfance, quelque part entre psychanalyse au rabais et Françoise Dolto.

2 Surtout, la performance de Niels Arestrup ne fait que mettre en relief les faiblesses de Patrick Chesnais dans son interprétation du personnage de Fouché:
 - D'abord, sa voix est trop souvent faible.
 - Plus grave, et comme ce fut déjà le cas il y a quelques temps dans une pièce de Molière, Chesnais fait preuve d'une désinvolture, d'une décontraction dans sa manière d'être et de se mouvoir, très appréciable dans un film à la Sautet, mais qui constituent, en l'occurrence, un véritable contresens historique. Dommage.

Si vous voulez vous rapprocher du vrai Fouché, je vous suggère de dévorer la récente biographie, publiée chez Tallandier, par Emmanuel de Waresquiel, "Fouché. Les silences de la pieuvre". CF. sur Culture-Tops, la chronique de Jean-Pierre Tirouflet, le 12 décembre dernier.

Encore un mot...

Qui seront trois:

1 C'était vraiment culotté de remonter ce "Souper", 26 ans après une création, parfaite, dont tous ceux qui y ont assisté se souviennent avec délectation et nostalgie. Et bien, le défi est en grande partie relevé: la mise en scène est sobre, astucieuse et merveilleusement servie, donc, par Arestrup. Reste le hic, évoqué plus haut. J'imagine ce qu'aurait pu donner un Dussolier, par exemple, dans le personnage de Fouché...

2 J'entends faire, ici ou là, des rapprochements entre la situation de la France en 1815 et en 2015. Pardon mais, quand même, en 1815, l'Histoire de France avait une autre dimension...

3 Culot pour culot, qui aura l'audace bienvenue de remonter le premier grand succès de Jean-Claude Brisville, "Le Fauteuil à Bascule", créé au Petit Odéon en 1982, et spectrographie acide du monde de l'édition ?

Une phrase

Je vous en transmets trois.

Deux, de Talleyrand:
         - "Vous savez ce qu'est un mécontent, Fouché? Un pauvre qui réfléchit !"
         - et s'adressant toujours à Fouché: "Il y a en vous quelque chose d'hivernal"...

Une de Fouché:
         - "On n'a qu'une parole. Il faut bien la reprendre".

L'auteur

Jean-Claude Brisville, qui est mort il y a seulement quelques mois, à l'âge de 92 ans, avait mieux que quiconque incarné un "créneau" théâtral qui, dans sa foulée, a fait florès, celui de rencontres, réelles ou supposées, entre deux personnages, sur fond de respect de l'environnement historique. Pour ne citer que deux exemples récents, "La Conversation", de Jean d'Ormesson, et la pièce d'Antoine Rault, "Le Système", actuellement à l'affiche.

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