Le Roi se meurt
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Thème
Vous comprendrez, je pense, l'intérêt exceptionnel de cette pièce quand vous saurez que c'est la cinquième fois depuis 1994 que Michel Bouquet en reprend le rôle-titre, celui d'un tyran qui découvre tout à coup son impuissance devant la mort et va petit à petit apprendre à se soumettre. Depuis le: "je mourrai quand je voudrai, je suis le Roi!", jusqu'à la découverte du: "je ne suis plus au-dessus des lois".
Points forts
1 Phénomène exceptionnel, dès les premières minutes de la représentation, on a l'intuition qu'on va passer un grand moment. Intuition ensuite confirmée, car tout est placé sous le signe de l'excellence: le texte, la mise en scène, le décor, les costumes, les lumières -extraordinaires-. Et la distribution, car tout le monde ici mérite des éloges; en particulier, aux côtés de Michel Bouquet, Juliette Carré, sa compagne, formidable d'autorité dans le rôle de la 1° Reine, aussi drôle que dominatrice et hyper-réaliste.
2 Il m'est arrivé d'écrire à propos de ce spectacle, c'était il y a deux ans: "Jamais je n'ai vu un spectacle qui donne une perception aussi intime de ce que peut être la mort, de ce qu'elle représente dans un chemin de vie, assumé les yeux ouverts ou non. Michel Bouquet, c'est l'Assomption d'Ionesco, au sens chrétien du terme. Inoubliable". Je le redis volontiers aujourd'hui.
3 Perception d'abord tragique de la mort et, en contrepoint, découverte émerveillée et quasi enfantine de la vie.Ce qu'il y a peut-être de plus fort dans cette pièce, c'est le moment où le Roi explique à sa servante, qui ne l'entend pas du tout de cette oreille, ce qu'il vient au fond de découvrir, que la vie en soi est un miracle, que le fait de respirer est un miracle, que tout vaut mieux que la mort. Les petites choses du quotidien, "une féerie, tout çà!"
4 On parle toujours de l'absurde chez Ionesco, mais sans se rendre compte le plus souvent que Ionesco utilise l'absurde comme pourrait le faire un grand classique. Il s'en sert, d'une manière corrosive, comme d'une loupe grossissant les réalités les plus fondamentales.
En réalité, par son sens du tragique exprimé dans l'analyse des méandres de l'âme, c'est sans doute à Shakespeare qu'il s'apparente le plus.
5 On perçoit là tout ce qu'est la magie du théâtre lorsque, comme l'explique Victor Hugo dans la préface de "CROMWELL", on plonge ainsi au coeur de la vie humaine, mais d'une vie sublimée par l'art.
Quelques réserves
Je vous mets au défi d'en trouver...
Encore un mot...
1 Venez partager avec Michel Bouquet ce moment de joie intense lorsqu'à la fin, la salle applaudit et qu'il se rend compte que le public a apprécié la qualité de son travail et de celui de l'ensemble de l'équipe. On ne peut pas ne pas être ému, à constater l'émerveillement qui est alors le sien. En le regardant ainsi, je pensais à ces mots de Paul Valéry, dans "Palmes": "L'âme se dépense à s'accroître de ses dons".
2 Je ne prends pas beaucoup de risques à vous dire que si vous n'avez que trois spectacles à voir au cours de cette année 2014, "LE ROI SE MEURT" devrait, à mon sens, en faire partie.
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