Le Retour du Désert

Koltès mal servi
De
Bernard-Marie Koltès
Mise en scène
Arnaud Meunier
Avec
Didier Bezace, Catherine Hiegel
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Théâtre de la Ville
2 Place du Châtelet
75004
Paris
0142742277
ATTENTIONS, DERNIERES: vendredi 29 et samedi 30 janvier, à 20h30; et dimanche 31, à 15h.

Thème

Après quinze ans d’exil en Algérie, Mathilde rentre chez elle. C’est-à-dire en France, au sein de la maison familiale, occupée par son frère, Adrien. Ce dernier y règne sur sa femme- alcoolique-, son fils -jamais sorti de l’enceinte de la propriété-, et ses domestiques-arabes ou vieux-. Mathilde est grande gueule, mère célibataire d’un garçon, Édouard, et une fille, Fatima. Mathilde vient renverser le monde petit-bourgeois d’Adrien, réclamant son dû et réparation pour avoir été chassée par lui quinze ans plus tôt. On assiste impuissant à la reprise des hostilités entre un frère et une sœur se disputant un territoire. S’affrontent en cercles concentriques deux langues, deux modes de vie, les maîtres et les domestiques, la France et l’Algérie, les vivants et les morts...

Points forts

Seule Catherine Hiegel nous convainc. Elle porte ce magnifique personnage qu’a créé Koltès avec sa voix rocailleuse, son corps planté là, enraciné, réclamant tout de ses années volées et incarnant à elle seule toutes les injustice faites aux femmes. Elle amène sur cette scène toute son expérience et son vécu pour faire exister cette sœur et mère, un être balloté par la vie, en quête d’appartenance et qui revient affronter ses démons.

Quelques réserves

Malheureusement Arnaud Meunier semble être passé totalement à côté de son adaptation. Le décor de son histoire n’évoque rien, une maison moderne articulée (mais pourquoi ?), mangée de verdure (pour dire le contraire du désert ?), un gigantesque poteau dont on ne cesse de questionner la présence, des lumières froides et statiques, exception faite de belles ombres projetées de feuillages qui apportent un peu de poésie…

-       Dès le début on est stupéfait de l’immobilité des comédiens présents sur le plateau. Ceux qui ne déclament pas sont au garde à vous, donnant l’impression qu’on les a oubliés là.
Le jeu manque absolument de subtilité, ce qui participe d’une absence de mise en perspective du texte. En particulier, Didier Bezace se débat, piégé dans une unique intention de jeu: la colère (en 88, Koltès a crée la pièce avec Chéreau pour Jacqueline Maillan et Michel Piccoli. Le duo devient célèbre)…

 -       Or « Le retour au désert » naît d’une dramaturgie simple mais qui peut générer rire et tension. Mathilde rentre après 15 années d’exil et ose affronter ses démons. Le frère et la sœur se déchirent mais semblent être les seuls à se comprendre mutuellement. Ici, le secret qui plane devient anecdotique. Et pour moi, aucune piste pour me permettre de m’attacher ou de détester Mathilde et Adrien, dans une pièce certes pas la meilleure de Koltès, mais au fort potentiel de comédie-politique-grinçante… Les répliques censées drôles tombent à plat et l’on patine au premier degré dans cette dispute sans fin entre frère et sœur. Pourtant chacun ne peut vivre l’un sans l’autre, la confrontation est leur frontière, leur coexistence nécessaire : matière à de nombreuses mises en perspectives contemporaines…

Encore un mot...

« Le Retour au désert » évoque tant le problème de la guerre d’Algérie que les guerres intestines françaises. Arnaud Meunier aurait pensé à la montée de l’extrême droite pour son adaptation; malheureusement, rien ne vient illustrer cette intention…

Une phrase

« Battez vous mais en silence, que les autres puissent continuer à vivre ».Madame Queuleu (Isabelle Sadoyan).

L'auteur

Bernard-Marie Koltès s'essaye à l'écriture durant sa jeunesse mais il y renonce. Il ne met jamais les pieds au théâtre jusqu'à l'âge de vingt ans. Il assiste en 1970 à une représentation de "Médée" dans une mise en scène de Jorge Lavelli et interprétée par Maria Casarès; c'est un choc. 

Koltès se met alors à l'écriture théâtrale. En 1977, il publie un long monologue, "La Nuit juste avant les forêts", qui est monté au Festival Off d'Avignon. Ses pièces suivantes seront montées en étroite collaboration avec Patrice Chéreau, au Théâtre des Amandiers, à Nanterre : "Combat de nègre et de chiens", "Quai Ouest", "Dans la solitude des champs de coton", "Retour au désert". Elles connaîtront un grand succès. 
Aujourd'hui, il est joué dans le monde entier. Il meurt en 1989.

C'est Arnaud  Meunier qui a réalisé la mise en scène de cette version du"Retour au désert". Il fait un théâtre plutôt politique et qui questionne les grandes problématiques de notre époque. Il avait monté au Théâtre de la Ville, « 11 septembre 2001 » de Michel Vinaver, avec 45 lycéens de Seine-Saint-Denis.

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