Le Prix
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Thème
Il est assis sur le divan dans un salon bourgeois du grand hôtel de Stockholm et il attend. Dans quelques heures, une escorte militaire conduira le grand chimiste allemand Otto Hahn, à la cérémonie de remise du prix Nobel. Temps suspendu, entre somnolence liée à quelques embarras gastriques et pensées cotonneuses qui le bercent doucement. On est toujours un peu seul dans ces moments là…
Soudain, comme un fantôme, une femme surgit. Lise Meitner, une ancienne collaboratrice, qui comme Otto Hahn, a travaillé sur le projet “Uranium“ qui allait déboucher sur la découverte de la fusion nucléaire. Trente années de recherches en commun, de connivence, de passions partagées, y compris lorsque leurs mains couraient à l’unisson sur le clavier du piano : bref, deux côtés de la même médaille.
« Que veux-tu ? » s’exclame Otto Hahn… Un passé tragique refait surface, car pour Lise, le couperet est tombé lorsqu’Hitler a proclamé l’Anschluss, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne en avril 1938. Lise est alors devenue une juive allemande contrainte de quitter son travail à l’institut scientifique de Berlin et de fuir en Suède pour sauver sa vie. C’est Otto Hahn qui l’a poussée à partir : pour la protéger ou pour se protéger ?
Le scientifique n’a jamais été nazi, sauf au début… C’est un patriote qui restera à Berlin, car il fallait bien poursuivre des travaux qui permettraient un jour à l’Allemagne de retrouver son rang de grande puissance ; et puis il voulait aussi partager le sort de ses compatriotes. C’est un bonne conscience meurtrie et fragile, face à cette femme qui vient lui dire ses quatre vérités.
Mais que veut- elle vraiment : attiser les plaies du remords ? Et puis pourquoi parle-t- elle de « sacrifice »? De plus, elle a cette façon désagréable de prononcer le mot « prix », comme une pierre jetée à son visage ou un coup de fouet qui claque dans la nuit.
En fait, Lise vient régler ses comptes…
Points forts
Un texte puissant, intime, chaque personnage étant renvoyé à sa part d’ ombre et de lumière, dans un affrontement tendu, où la vérité vole en éclats, comme un miroir brisé.
La complicité et le jeu subtil de deux grands comédiens qui rêvaient de jouer ensemble :
Pierre Arditi campe un Otto Hahn tourmenté, profondément humain, sûr de soi et apeuré, une sorte de Petit Poucet, seul dans la nuit, déserté par ses rêves ;
Ludmila Mikael est une femme forte, libre, qui joue son va- tout. Elle incarne, comme disait René Char, « tout ce qui a le visage de la colère et n’élève pas la voix. »
Une scénographie où les variations de lumières, bleues, vives ou douces, transportent le spectateur d’une époque à l’autre, de Stockholm à Berlin.
Quelques réserves
Aucune.
Encore un mot...
Sur ce sujet un peu rabattu de la femme de science écartée des honneurs et des prix, Cyril Gely compose une variation délicate sur la parité entre les sexes. La reconnaissance publique est arrivée tardivement. Dans une lettre à une amie, la véritable Lise écrivait que « c’était presque un crime d’ être une femme en Suède à l’époque. »
Du plaisir, de l’intelligence et de l’ émotion pour ce huis clos éblouissant.
Une phrase
Otto : “Tu m’ en a voulu de t’ avoir sauvé la vie ?
- Lise: Non, de t’être débarrassé de moi.”- Lise : « Je veux que tu me reconnaisses comme ton égal »
L'auteur
Cyril Gely est auteur de théâtre, scénariste et romancier. Il a écrit notamment Signé Dumas et Diplomatie.
Gely reçu le Grand Prix de l’Académie française et le Prix du scénario au festival international de Shanghaï.
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