Le prince travesti
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Thème
La princesse de Barcelone est amoureuse de Lélio, le prince de Léon qui se fait passer pour un aventurier, couvert de gloire sur les champs de bataille. Lui aime Hortense, la confidente de la princesse, qui l’aime en retour. Lorsque la princesse charge Hortense de lui déclarer sa flamme, les tractations politico-amoureuses s’emballent. D’autant plus que l’émissaire du roi de Naples vient demander la main de la princesse pour son roi, alors que dans l’ombre, le conseiller Frédéric, qui est jaloux et qui compte bien être nommé premier ministre, intrigue avec l’aide d’un Arlequin plus stupide et cupide que jamais.
Points forts
- On connait Marivaux pour ses comédies sentimentales mais c’est ici une tragédie qu’il nous livre. Une histoire où s’entremêlent les affres du cœur et du pouvoir, traités avec la noirceur qui sied à ces luttes âpres où se dénouent les passions humaines. La langue de Marivaux s’y déploie avec son ampleur habituelle et une précision tranchante pour décrire les actions de ces jeunes personnages en quête d’absolu et prêts à jouer leur destin sur un coup de dé.
- Il y a dans la mise en scène d’Yves Beaunesne le dépouillement et la noirceur de ces œuvres crépusculaires hantées par des personnages dont l’ambition, politique ou amoureuse, est sans limite. La scène est comme mangé par un escalier monumental, qui trace une ligne de fuite qu’empruntent tour à tour les personnages.
Mais en parallèle, la pièce est entrecoupée de chansons d’une réjouissante sensualité qui rompt la tonalité obscure de l’ensemble. Ces chants, interprétés avec un talent étonnant par les acteurs – dont certains sont également musiciens – apportent une sensualité débridée et réjouissante : ce ne sont plus que souffles de plaisir, joie des retrouvailles amoureuses, délices de la chair …
- Enfin il faut féliciter les acteurs, remarquablement dirigés par un metteur en scène qui assume ses choix. Ils donnent à la pièce une intensité électrique, une tension permanente, sur le fil entre fureur et sang-froid. Jean-Claude Drouot incarne à la perfection cet ancien monde essoufflé qui tente de survivre à la déferlante de ces jeunes loups aux canines acérées parmi lesquels Thomas Condemine incarne un Arlequin de standup.
Quelques réserves
Pas un point faible mais peut-être quelques détails, comme la désagréable habitude de montrer, à plusieurs reprises, les acteurs de dos, ce qui nuit à une bonne écoute …
Encore un mot...
Alors qu’elle se déroule au XIIème siècle, cette pièce nous parle des rapports éternels entre le pouvoir, l’ambition et l’amour. Mais Marivaux, qui vivait au XVIIIème siècle, peu avant la naissance du capitalisme moderne, a aussi transposé l’esprit de son temps dans cette oeuvre.
Ceci étant, au XXIème siècle, "Le prince travesti" est toujours d’une récurrente actualité que renforcent les magnifiques costumes modernes créés par Jean-Daniel Vuillermoz.
Une phrase
« Jeune, aimable, vaillant, généreux et sage, cet homme-là vous a donné son cœur ; vous lui avez rendu le vôtre en revanche, c’est cœur pour cœur, le troc est sans reproche, et je trouve que vous avez fait là un fort bon marché. Comptons ; dans cet homme-là vous avez d’abord un amant, ensuite un ministre, ensuite un général d’armée, ensuite un mari, s’il le faut, et le tout pour vous ; voilà donc quatre hommes pour un, et le tout en un seul, Madame ; ce calcul-là mérite attention ».
L'auteur
Tout le monde (ou presque ?...) connait Marivaux mais peu de gens savent que nous n’avons que très peu d’informations sur lui : sa date de naissance, l’origine de son nom, ses motivations d’écrivain, tout semble hypothétique et incertain.
On sait néanmoins qu’il fut tout d’abord journaliste puis romancier mais surtout dramaturge. Il écrivit des comédies sur mesure et d’un ton nouveau, « dans le langage de la conversation », qui en font aujourd’hui le 5ème auteur le plus joué par la Comédie Française.
"Le prince travesti" est la dernière des deux tragédies qu’écrivit, en 1724, cet écrivain prolifique, auteur d’une pièce par an pendant près d’un demi-siècle.
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