
Le pire premier rencard de l’histoire
Thème
Voilà une comédie qui explore des affres générationnels sur un spectre large, les personnages ayant de vingt à cinquante ans. Le pire premier rencard de l’histoire se déroule à huis clos dans un café sobrement appelé Au Troquet, où officie Jean-Seb’, un petit patron pas antipathique, mais aux idées bien arrêtées et bien à droite, avec sa sœur Constance, une jeune “écolo-anxieuse“ mal à l’aise en barrista.
C’est donc Au Troquet que vient s’installer Marc (alias Fabrice), un quinquagénaire de gauche tout ce qu’il y a de bobo. Il a “rencardé“ sur Twinder Corinne, une célibataire venue surtout là pour faire plaisir à son fils, alors que Fabrice, lui, vient en raison d’une absence de plaisir avec sa femme…
Les premiers échanges entre eux se déroulent à fleurets (à peine) mouchetés, ce qui ne laisse présager rien de bon pour leur relation, jusqu’à ce que tout à coup…
Points forts
La comédie ne manque pas de cibles pertinentes, qui pointe l’impuissance ressentie par beaucoup de citoyens qui voudraient peser sur le cours des choses, ou critique les préjugés et les discours ready made tenant le “wokisme“ comme une idéologie armée de pied en cape (ce qui correspond à l’idée que s’en font ses contempteurs engagés ici ou là dans une « bataille culturelle » sans merci).
De la même manière, l’air de rien, le spectacle nous montre des individus éduqués, pareillement vissés à leur portable, s’en remettant à lui tant pour communiquer que pour s’informer (cf. extrait plus bas). C’est bien une société atomisée en communautés et en individus jaloux de leur pré carré qui nous est ici montrée, ce qui n’est jamais de bon augure quand les difficultés s’accumulent sur un pays ainsi fragmenté…
Quelques réserves
Quelques “tunnels“ un peu déclamatoires et didactiques, Corinne étant engoncée dans le rôle d’une féministe reprenant systématiquement – pour cause de “patriarcat systémique“ – telle ou telle phrase ou expression des protagonistes (masculins de préférence).
Certes, elle campe une sensitivity reader, mais cette manière de débusquer les préjugés, si elle a son intérêt et son efficacité dans une discussion générale, perd un peu de son sel quand il s’agit d’une comédie ; la ficelle s’use assez vite et la récurrence du procédé alourdit l’ensemble.
Encore un mot...
- Cette comédie nous alerte sur le fait qu’« une maison divisée contre elle-même ne peut subsister. » [Abraham Lincoln, reprenant en 1858 un passage de l’Evangile selon saint Marc, citation étant reprise ensuite à propos des Etats-Unis en 1968]
Une phrase
Fabrice [exaspéré par les sollicitations de son père] : « Qu’est-ce que j’en peux plus de cette génération de boomers de m…. ! » ; puis [à propos des scandales dans la droite française] : « Fillon et sa cuisine Mobalpa au fion. » ; à Corinne : « Je sais pas comment te dire des trucs sans que tu m’arraches la tête ! »
Constance : « J’peux pas faire mes courses sans penser à mon empreinte carbone…
- Fabrice : T’as qu’à te faire livrer ! »- Corinne : « Sur CNews, c’est des islamistes ; pour France Info, c’est l’extrême-droite, et pour BFM “on cherche à en savoir plus“… »
L'auteur
Jérémy Manesse, auteur, comédien et metteur en scène, possède un lien fort avec le Café de la Gare, puisque sa mère l’a fondé et son père, Philippe Manesse, le dirige.
Né en 1975, Jérémy monte pour la première fois sur les planches à l’âge de douze ans dans La Mort, le Moi, le Nœud, spectacle-culte du Café de la gare.
Depuis 2001, Jérémy Manesse a écrit et y a monté de nombreux spectacles : Harem Underground, La Partenaire de l’Inspecteur Murdock, A Suivre, aPhone, Mamans, ou encore On en est là. Le pire premier rencard de l’histoire est sa dernière création.
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