Le paradoxe du comédien

Un Diderot daté, tel est le paradoxe...
De
Denis Diderot
Mahmoud Ktari
Mise en scène
Patrick Rouzaud
Avec
Avec Mahmoud Ktari et Patrick Rouzaud
Recommandation

Je serais curieux de connaître l’avis de l’un des plus grands acteurs français de notre époque, Gérard Depardieu, sur la question. Mais il me semble que son histoire, son caractère, sa vie, ses amours, son goût des bonnes choses, ont guidé sa carrière et nourri son jeu, totalement à rebours du discours de Denis Diderot.

Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Théâtre la Croisée des Chemins
120bis rue Haxo
75019
Paris
01 42 19 93 63
Du 19 janvier au 8 mars, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h

Thème

Deux personnages discutent du métier de comédien : pendant que le premier détaille ses théories et sa vision de la façon dont un comédien doit appréhender son art, le second joue le rôle de contradicteur, et souvent de faire-valoir.

Cette pièce qui était à l’origine un essai, avant de devenir un dialogue, qui se prête à une adaptation au théâtre.

S’ensuit un dialogue où l’auteur développe sa thèse : le meilleur acteur n’est pas celui qui met dans son interprétation son caractère et sa sensibilité, mais au contraire celui qui joue, sans ajouter de sa personne dans son interprétation. Tel est le paradoxe.

Points forts

Le texte de Denis Diderot est un classique, qu’il est toujours utile de découvrir ou de réentendre. L’auteur théorise avec talent sur le métier de comédien, dans une langue classique qui reste du miel à nos oreilles. Il est considéré comme l’un des plus grands ouvrages théorique sur l’interprétation théâtrale.

Le propos de Denis Diderot est argumenté dans le détail, et l’on comprend que tout acteur doit s’approprier le texte et prendre plaisir à le jouer, quelle que soit son opinion, sa sensibilité  et son caractère. Le but du comédien n’est-il pas de jouer tout … et son contraire.

Les acteurs y croient et donnent vie au texte, dont  ils assurent eux-mêmes l’adaptation et la mise en scène, et ils fournissent un travail collectif de valeur. Le texte est réduit à la bonne longueur et la mise en scène est fluide pour apporter un mouvement bienvenu pour accompagner ce texte très littéraire (et à l’origine un essai).

Quelques réserves

Les temps changent et les théories aussi : dieu merci, on ne joue plus comme au XVIIIème siècle (le texte a paru dans sa première version en 1769) et les tirades du Grand Talma (né en 1763) prêtent aujourd’hui plus à sourire qu’à s’enthousiasmer.
La théorie de Diderot, qui sépare complètement la personnalité du comédien de son jeu, est-elle toujours actuelle ou un simple objet de débat en forme de controverse ? S’agit-il juste d’un exercice de style consistant à sortir de la naphtaline de vieux textes sans véritable recul ni mise en abîme par rapport à ce que le théâtre est devenu (notamment le théâtre contemporain) ? 

 Il est dommage que le texte de Diderot ne soit pas confronté à d’autres théories plus modernes sur le jeu du comédien. Cette mise en perspective avec des théories opposées, comme par exemple celle de Constantin Stanilavski ou la méthode de l’Actors Studio aurait apporté un vrai contrepoint au texte de Diderot.

Encore un mot...

Je serais curieux de connaître l’avis de l’un des plus grands acteurs français de notre époque, Gérard Depardieu, sur la question. Mais il me semble que son histoire, son caractère, sa vie, ses amours, son goût des bonnes choses, ont guidé sa carrière et nourri son jeu, totalement à rebours du discours de Denis Diderot.

Une phrase

« Si le comédien était sensible, de bonne foi, lui serait-il permis de jouer deux fois de suite un même rôle avec la même chaleur et le même succès ? Très chaud à la première représentation, il serait épuisé et froid comme un marbre à la troisième. Au lieu qu’imitateur attentif et disciple réfléchi de la nature, la première fois qu’il se présentera sur la scène sous le nom d’Auguste, de Cinna, d’Orosmane, d’Agamemnon, de Mahomet, copiste rigoureux de lui-même ou de ses études, et observateur continu de nos sensations, son jeu, loin de s’affaiblir, se fortifiera des réflexions nouvelles qu’il aura recueillies ; il s’exaltera ou se temperera, et vous en serez de plus en plus satisfait. S’il est lui quand il joue, comment cessera-t-il d’être lui ? S’il veut cesser d’être lui, comment saisira-t-il le point juste auquel il faut qu’il se place et s’arrête ? » 

L'auteur

Denis Diderot (1713 – 1784) est un intellectuel – le mot n’existait pas à l’époque où on parlait plutôt d’humaniste – philosophe, dramaturge, essayiste, dialoguiste, critique littéraire et artistique … autant de talents qui ont présidé à la rédaction de l’un des ouvrages les plus marquants de son siècle : la fameuse Encyclopédie.

Le paradoxe sur le comédien est une réponse à la lettre de Jean-Jacques Rousseau à d’Alembert et à la controverse née entre les deux auteurs. Rousseau y incitait les jeunes Genevois à s’opposer à la création d’un théâtre, une distraction jugée futile et dangereuse.

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