Le Misanthrope à l’Élysée
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Thème
• Deux jeunes comédiens, l’entreprenante Robine et le grognon Joseph, se retrouvent, sur un coup de bluff de la première, catapultés à l’Élysée pour donner Le Misanthrope devant le Président et son invité d’honneur, l’imprévisible et redoutable Mohamed Ben Salman, alias MBS...
• La Compagnie du miracle, dont ils sont les seuls membres, tire son nom de la cour du même nom, et en tout cas le diable par la queue ; en effet, Robine et Joseph répètent leur pièce au milieu des poubelles dans l’arrière-cour d’un bar.
• Bientôt un choix ... cornélien se présente : faut-il s’en tenir à une stricte interprétation de l’œuvre du grand Molière ou tenter de l’adapter au temps présent ? La seconde option est retenue, mais alors comment éviter de froisser les éminences qui assistent à la représentation sans trahir les motifs d’indignation des jeunes comédiens ?
Points forts
• Le point de départ de la pièce est prometteur, et se prolonge dans un jubilatoire entrecroisement des exigences posées à l’origine : articuler le texte de Molière avec l’actualité du monde tel qu’il va, mais aussi avec les étapes d’un amour naissant, sans oublier les apparats de la vie de Cour sous la Ve République.
• Il y a des moments particulièrement désopilants : les “italiennes“ qui exercent à la mémorisation du texte, Arsinoé en burkini, une utilisation judicieuse des poupées Barbie et le trombinoscope politique actuel mis en texte à la manière de Molière sont autant de moments de bravoure impeccablement exécutés.
• D’autres moments, à l’instar d’un retournement final particulièrement déjanté – et qui prête à rire autant qu’à réfléchir – stimulent l’intérêt et la réflexion sur les affres et les égarements de l’adaptation d’un « classique », ou encore le détournement des valeurs par les puissants.
Quelques réserves
• Pas grand’chose à redire, l’enthousiasme et la fraicheur des comédiens compensant de petites faiblesses passagères dans la diction du classique de Molière.
• On peut être momentanément agacé par le manichéisme posé entre « eux » (les puissants qui nous gouvernent et nous écrasent, les riches et les nantis, le “système“ honni...) et « nous » (les indignés, les révoltés, les justes et les généreux, portés par la voix puissante et légitime des intermittents, et à qui les filets de sécurité de l’État providence évitent cependant de basculer dans la misère noire et absolue des siècles passés ou d’autres pays que le nôtre, y compris en Europe). Mais il est dans la nature de cette comédie de forcer le trait, comme le fit J.-B. Poquelin en son temps.
Encore un mot...
• On se demande au début du spectacle pourquoi infliger à notre Président ainsi qu’à son hôte Le Misanthrope, et pas une autre pièce de Molière accommodée à leur sauce (Les fourberies de Macron, L’école des ministres, Le masque sanitaire malgré lui, que sais-je encore...).
• On s’aperçoit vite que le choix de cette œuvre est judicieux, tant la description des divers dérèglements du monde en général et de notre société en particulier peut encourager une certaine misanthropie, même si les auteurs de la pièce font le choix de l’engagement pour des causes apparemment perdues...
Une phrase
• « Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde. » (Molière, Le Misanthrope, scène 1 / acte 1).
• « Le féminisme, j’y croirai quand il n’y aura pas un Macron au pouvoir, mais une maquerelle ! » (Robine)
L'auteur
• Robin Egloffe et Joséphine Hazard ne manquent pas de persévérance, car ils ont fondé (pour de vrai) la Compagnie du miracle en plein confinement courant 2020.
• Diverses résidences leur ont permis de peaufiner ce Misanthrope, qui a commencé à être représenté au Guichet Montparnasse à partir de mai 2021.
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