Le Malade imaginaire en la majeur
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Thème
Argan, en bon paterfamilias qui se respecte - et par surcroît hypocondriaque - exige de sa fille, la ravissante Angélique, qu’elle se marie avec Thomas Diafoirus, médecin de son état, fils de médecin, et passablement coincé.
Mais Angélique, éprise du fougueux Cléante, reçoit le concours de la servante Toinette pour déjouer les projets paternels et ceux, encore plus redoutables, de sa belle-mère, la cupide Béline, qui convoite l’héritage du malade imaginaire, des fois qu’Argan soit plus malade qu’imaginaire…
Points forts
Avec des moyens réduits (quatre interprètes pour une dizaine de rôles), les quatre comédiens excellent à donner à ce Malade imaginaire un côté farce qui le rend souvent irrésistible.
L’idée d’entremêler le texte de la pièce avec des moments musicaux composés de chansons (La place d’une femme, Laissons faire la nature) s’inspirant du propos ou reprenant le texte original est pertinente : le spectacle gagne en rythme et en fantaisie.
En effet, les chansons tombent fort à propos et n’ont rien de mièvre. Leur qualité résulte de l’expérience en la matière de Raphaël Calendreau (pianiste et accordéoniste) et de Simon Froget-Legendre, pianiste classique et jazz, qui interprète les morceaux. Marion Peronnet est, de son côté, une chanteuse chevronnée.
Des thématiques présentes dans la pièce, sont mises en valeur dans l’adaptation qui en est ici faite : ainsi l’émancipation des femmes, les abus d’un Paterfamilias tout ce qu’il y a de patriarcal, des pratiques de soin usurpant parfois le qualificatif de “scientifiques“ dans une médecine qui se cherchait alors… Il y a enfin une question quasi-philosophique, qui consiste à savoir comment ramener à la raison des êtres égarés dans leur névrose : faut-il ou non « jouer les fous pour se faire entendre des fous » (voir l’extrait ci-dessous) ?
Quelques réserves
- Elles seraient ici parfaitement… imaginaires.
Encore un mot...
Ce Malade imaginaire en la majeur fêtait le 24 décembre sa 400ème représentation. Evidemment, il n’a pas grand’chose à voir avec la “comédie-ballet“ (c’est-à-dire mêlée de musiques et de danses) présentée en février 1673 au Palais-Royal, sur une mise en scène de Marc-Antoine Charpentier et des ballets réglés par Pierre Beauchamp.
Mais gageons que cette adaptation de la dernière pièce donnée par Molière n’aurait pas mécontenté ce dernier, qui mourut lors de la quatrième représentation de son Malade imaginaire. En tout cas, le public, dans une salle comble, fit cadeau d’un fervent accueil à la troupe en cette veille de Noël 2024.
Une phrase
• TOINETTE [déguisée en médecin] : « Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l'on batte comme il faut. Ah ! Je vous ferai bien aller comme vous devez. Ouais ! ce pouls-là fait l'impertinent; je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Qui est votre médecin ?
ARGAN : Monsieur Purgon.
TOINETTE : Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade ?
ARGAN : Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate.
TOINETTE : Ce sont tous des ignorants. C'est du poumon que vous êtes malade.
ARGAN : Du poumon ?
TOINETTE : Oui. Que sentez-vous ?
ARGAN : Je sens de temps en temps des douleurs de tête.
TOINETTE : Justement, le poumon.
ARGAN : Il me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux.
TOINETTE : Le poumon.
ARGAN : J'ai quelquefois des maux de cœur.
TOINETTE : Le poumon.
ARGAN : Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.
TOINETTE : Le poumon.
ARGAN : Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c'étaient des coliques.
TOINETTE : Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez ?
ARGAN : Oui, monsieur.
TOINETTE : Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?
ARGAN : Oui, monsieur.
TOINETTE : Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir ? ARGAN : Oui, monsieur.
TOINETTE : Le poumon, le poumon, vous dis-je ! Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture ? ARGAN : Il m'ordonne du potage.
TOINETTE : Ignorant !
ARGAN : De la volaille.
TOINETTE : Ignorant
ARGAN : Du veau.
TOINETTE : Ignorant !
ARGAN : Des bouillons.
TOINETTE : Ignorant !
ARGAN : Des œufs frais.
TOINETTE : Ignorant !
ARGAN : Et, le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre.
TOINETTE : Ignorant !
ARGAN : Et surtout de boire mon vin fort trempé.
TOINETTE : Ignorantus, ignoranta, Ignorantum ! Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande ; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main; et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.
ARGAN : Vous m'obligerez beaucoup. »
[Le Malade imaginaire, Acte III, Scène 10]
L'auteur
Molière, que l’on ne présente plus, est ici revu (mais pas corrigé) par Raphaël Calendreau, qui a débuté dans En passant chez Monsieur Gainsbourg. Ce chanteur et pianiste est aussi comédien et accordéoniste.
Raphaël Calendreau a campé Raphou dans le Raphou show et Raphou en liberté (théâtre du Point-Virgule) et écrit de nombreuses pièces musicales, telles que Divalala, Fausse Moustache, Ego-Système, le musée de votre existence.
Le Malade imaginaire en la majeur a été créé en 2018 et poursuit, depuis, une belle carrière.
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