Le Maître et Marguerite
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Thème
Entre le prologue et l’épilogue, trente tableaux vont se dérouler dans la chambre d’Ivan, qui n’est autre que l’auteur lui-même, interné pour folie. Ce lieu devient un théâtre hanté par de mystérieux personnages. Trois histoires s’entremêlent sur un fond de réflexion sur le Bien et le Mal. Le Diable lui-même, en magicien séduisant et humoristique dans le Moscou des années 30; puis le Maître, auteur humilié et désespéré; et sa rencontre avec Marguerite.
Le temps et l’espace se bousculent puisque le sujet du livre du Maître est Ponce-Pilate à Jérusalem en l’an 33, qui ne peut se remettre de sa rencontre avec Jésus.
Points forts
1 – J’ai aimé l’adaptation forte et fluide qui permet de suivre facilement les trois histoires et surtout le questionnement permanent sur le Bien et le Mal. Ivan, capable de percevoir des choses que la réalité soviétique et bureaucratique n’admet pas, passe pour fou; et pourtant…
2 – L’idée de faire dialoguer Ponce Pilate et le Christ en Grec ancien - traduit je vous rassure - est particulièrement judicieuse; elle apporte une dimension poétique et musicale avec un fond coloré qui évoque la Judée.
3 – La prise de pouvoir du Diable sur Moscou avec une sorte d’humour dévastateur, au sens propre comme au sens figuré, est jubilatoire. Sous les traits de Woland (Romain Cottard, excellent), il fait des tours de magie noire, accompagné par une étrange clique, dont un chat qui chante et danse. Il est résolument charmeur et sympathique envers ceux qu’il entraîne invariablement vers la mort.
4 – J’ai aimé le caractère dépouillé de la mise en scène qui traite l’œuvre comme une pièce de Shakespeare, la rendant abordable dans ses multiples symboles que chacun peut apprécier selon sa propre perception. Il y a une sorte de grâce sur ce spectacle.
5 – Belle équipe d’acteurs. Je salue particulièrement Igor Mendjinsky qui apporte une fraîcheur au rôle d’Ivan qui est l’auteur lui-même, Marc Arnaud dans le rôle du Maître; et enfin, comment ne pas être touché par Esther Van Den Driessche, émouvante et sensible, qui, par amour, pactisera avec le Diable ?
Quelques réserves
Je n’en ai pas noté.
Encore un mot...
L’œuvre de Boulgakov est magnifique, foisonnante, dense et complexe, riche de symboles puisant aux diverses traditions, sorte de « Faust » en Union soviétique. Le jeune talentueux et prometteur Igor Mendjisky, également metteur en scène, en a fait une adaptation claire, moderne et inspirée. Il embarque le spectateur pour un voyage quasi initiatique qui nous aide à comprendre que le Bien n’est pas toujours bien et que le Mal n’est peut-être pas si mal. Une soirée dont on se souvient longtemps.
Une phrase
« Woland : Mais pourquoi Marguerite vous appelle-t-elle « Maître » ?
Le Maître : C’est une faiblesse bien pardonnable. Elle a une trop haute opinion du roman que j’ai écrit.
Woland : Un roman sur quoi ?
Le Maître : Un roman sur Ponce Pilate…
Woland : A notre époque ? C’est ahurissant ! Et vous n’avez pas pu trouver un autre sujet ? Faîtes voir ça !
Le Maître : C’est impossible. Je l’ai déchiré et brûlé.
Woland : Cela ne se peut pas : les manuscrits ne se déchirent pas et ne se brûlent pas. »
L'auteur
Mikhaïl Boulgakov, (1891- 1940) fut médecin avant de devenir écrivain. Il se consacre dès 1920 au journalisme et à la littérature. Toute sa vie il sera confronté à la censure soviétique. Il écrit pour le théâtre et l'opéra, mais il est surtout connu pour des œuvres de fiction: « La Garde blanche » (1925) et « Le Roman de monsieur de Molière » (1933), achevé en 1933. Ses publications en Russie seront toutes « expurgées ».
Son chef d’œuvre est sans conteste « Le Maître et Marguerite », roman plusieurs fois réécrit et retravaillé entre 1928 et 1940, publié en URSS dans son intégralité en 1973.
Il se considérait comme un « émigrant intérieur ».
Commentaires
La plume, la culture, le sens de l'analyse et de la scène de Danielle Mathieu-Bouillon, un régal !
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