
Le Joueur d’Echecs
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Thème
Stefan Zweig fuit la guerre et prend un bateau pour l’Amérique du Sud.
A bord, est présent Csentovic, le champion du monde d’échecs, vaniteux et inculte. Jusqu'alors invaincu, il accepte d'engager une partie face à un aristocrate inconnu, Monsieur B. A la grande surprise de tous, la première rencontre se solde par un match nul. Une revanche est prévue pour le lendemain.
Un duel aux échecs s’engage qui passionne de nombreux voyageurs.
Monsieur B, les yeux plein de délire, semble connaître ses combinaisons par cœur. Qui l’emportera au final?
C’est un récit en abyme qui permet à Zveig de nous conter la vie du jeune Csentovic ainsi que l’horreur qu’a subi Monsieur B lorsqu’il fut confiné dans une chambre d’hôtel par les nazis.
Stefan Zweig a repris de manière récurrente dans son œuvre ce thème de l’isolement qui provoque la démence. C’est son dernier ouvrage, qui sera publié, à titre posthume, un an après son suicide. Cette fable, quasiment autobiographique, nous emmène aux frontières de la folie. La schizophrénie du monde mise en parallèle avec la schizophrénie d’un homme anéanti par les nazis.
Zveig ne peut cependant pas oublier d’évoquer la vertu salvatrice des livres et de l’intellect face à l’aliénation.
Mais, en l'occurrence, sera-t-elle suffisante ?
Points forts
1-Le jeu époustouflant de Francis Huster qui incarne, en modulant sa voix à tour de rôle et avec fougue, tous les personnages. Il sait être dans la retenue ou basculer dans la folie totale.
On retrouve ici le même procédé utilisé pour La Peste de Camus qu’il avait lui-même mis en scène en 2011.
Interprétation juste, belle et émouvante.
2-Une adaptation très subtile et personnelle. Eric-Emmanuel Schmitt aménage avec infidélité le texte original pour le rapprocher plus près encore de la vraie vie de Stefan Zweig.
3-Le passé simple utilisé pour la narration donne au texte force et beauté ; la diction d’Huster est un vrai régal.
4-La mise en scène : Un échiquier central autour duquel évoluent les personnages ; une chaise noire, une chaise blanche. Côté cours, c ‘est le temps du dialogue avec Lotte; côté jardin, c’est la chaise rouge et la folie schizophrénique de Monsieur B.
L’atmosphère du voyage en paquebot est très bien restituée.
Les cordes rouges tendues sur scène limitent l’espace et apportent une note graphique très intéressante. Elles représentent un univers clos et nous rappellent le confinement de Monsieur B dans sa chambre d'hôtel. Au niveau visuel, il nous semble presque regarder un film de cinéma. C'est d'une grande modernité.
5- Le choix de la musique jouée en fond est judicieux.
Quelques réserves
S’il fallait en trouver absolument un, je dirais que la « voix off » de Lotte est métallique et trop forte à mon goût. Je dois avoir l’ouïe trop fine !
Encore un mot...
Une heure d’intense émotion qui se prolonge d’ailleurs une fois les lieux quittés.
C’est un très bel hommage rendu à l’œuvre de Stefan Zweig.
Francis Huster est très applaudi ; il nous donne tant et son émouvante énergie nous transporte.
Pour la petite anecdote, le soir où j'ai assisté à ce spectacle, Francis Huster a dédié avec beaucoup d’humilité la représentation à Robert Hossein, son mentor, venu le voir jouer ce soir là, et qui a reçu une « standing ovation".
La vie peut être parfois un grand moment de théâtre !
L'auteur
Stefan Zweig, grand humaniste, ami de Sigmund Freud, a excellé dans l’art de la nouvelle. Durant toute son existence Il aura cherché à « exalter la vie » à travers une œuvre profonde et lumineuse qui fait de lui l’un des plus grands écrivains du XXe siècle.
Face à la montée du nazisme, il fuit jusqu’au Brésil en passant par le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Amérique. Il se dit alors étranger dans sa langue, juif en Allemagne, allemand en Angleterre. Il se suicide à l’âge de 61 ans, avec sa jeune épouse, Lotte.
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