Le jeu de l´amour et du hasard

Un formidable hymne au théâtre et à l'amour
De
Marivaux
Mise en scène
Salomé Villiers
Avec
Raphaëlle Lemann, Philippe Perrussel, Bertrand Mounier, Francis Nambot, Etienne Launay et Salomé Villiers
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Theatre Michel
38 rue des Mathurins
75008
Paris
01 42 65 35 02
Jusqu’au 6 mai du mardi au dimanche, à 21H le samedi, à 16H15 et 21H le dimanche, à 16H15 et 21h

Thème

Monsieur Orgon a décidé de marier sa fille Sylvia à Dorante, le fils d’un de ses amis, qu’il ne connaît pas. Sylvia demande à son père l’autorisation de changer de rôle avec sa suivante Lisette, de manière à mieux observer son futur époux. Le père accepte, bien qu’il sache que Dorante a opté pour le même stratagème. Il décide, avec bienveillance et curiosité, d’attendre les surprises de cet étrange chassé-croisé.

Points forts

1 – L’ardeur de la mise en scène et la sincérité de la direction des acteurs, nous font  entrer immédiatement dans l’univers moderne, en interprétant ce chef d’œuvre dans un style « années sixties » mais avec le plus grand respect du texte.

2 - Salomé Villiers, véritable piano conducteur du spectacle, m’a littéralement emballée, dès la première scène, alors que je suis généralement un peu frileuse, face aux mises en scène dites modernes, des chefs d’œuvres. Le génie de Marivaux emporte magnifiquement cette actualisation ; les jeunes gens, qui étaient présents dans la salle et dont le vocabulaire n’a guère été enrichi ces dernières décennies, on adoré. Ils découvraient comment on peut parler d’amour avec un beau langage, le nôtre.

3 – Je cite Marivaux « Pourquoi notre Langue a-t-elle passé dans presque toutes les Cours de l’Europe ? […] C’est le plaisir de nous lire, de penser, et de sentir comme nous qui les a gagnés ; c’est ce génie, c’est cet ordre, c’est ce sublime, ce sont ces grâces, ces lumières répandues dans vos Ouvrages, ou dans ceux de nos Écrivains que vous avez inspirés, qui ont acquis cette espèce de triomphe à la Langue Française. » (Discours à l’Académie Française)

4 – J’ai aimé ce véritable travail de troupe et ses acteurs, tous remarquables, dans une mise en scène enlevée, drôle, trépidante ; on est totalement dans Marivaux, le vrai Marivaux, pas l'idée que l'on s'en fait, avec le pseudo marivaudage. Marivaux ne parle que du cœur, avec tout son coeur et c'est à la cadence de ce coeur que le spectacle a été monté. En totale situation, dans le rythme que l’auteur souhaitait pour ses spectacles, pour lesquels ils préféraient les comédiens italiens, plus vifs, aux comédiens français. L’aspect philosophe de l’auteur, très sensible aux mouvements de la société du 18ème siècle et à la séparation des classes sociales, est présent, mais avec légèreté. Le jeu des conventions passe surtout par le langage.

5 - Une mention pour les vidéos, amenées avec drôlerie et finesse,  qui sont signées par Léo Parmentier et qui aèrent encore la représentation, par des ellipses dynamiques et charmantes. 
Un léger rideau servant d’écran nous invite par l’image à entrer dans la fantaisie. Il permettra astucieusement de voir le cadre de la belle demeure d’Orgon.

6 - On rit beaucoup; mais l'émotion est présente quand il le faut ; on oscille parfois entre les deux, dans ce merveilleux moment qu'est la découverte de l'amour, avec tous les émois de ces jeunes filles, que Marivaux a su si bien traduire. Souvent la drôlerie des situations l’emporte et je fais une mention particulière pour Philippe Perrussel, qui incarne un Orgon manipulateur, avec esprit et bienveillance.

7 - Je suis sortie éblouie par Salomé Villiers, qui sait sourire dans les larmes, qui allie un tempérament de feu et une classe infinie. Energique et mobile, fragile et déstabilisée, quand l’amour la saisit contre sa raison, elle est rare ! Il faudra désormais compter avec elle sur les scènes parisiennes

Quelques réserves

 Je n’en ai pas trouvé.

Encore un mot...

Un suggestion, très simplement: découvrez ou retrouvez cette pièce, qui est l’un des quelques chefs d’œuvres d'un théâtre dont on ne se lasse jamais, et laissez-vous saisir par la grâce de cette mise en scène enjouée et par cette troupe soudée, qui partage, de toute évidence, le bonheur qu’elle communique.

Une phrase

« Dorante : Tu as raison, notre aventure est unique.

Sylvia : (à part) Malgré tout ce qu’il m’a dit, je ne suis point partie, je ne pars point, me voilà encore, et je réponds ! En vérité, cela passe la raillerie. (Haut) Adieu. »

L'auteur

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux(1688-1763)

Il fut à la fois un écrivain solitaire, un journaliste, un romancier. Mais sa réelle passion le conduisit vers le théâtre qu’il adorait pour la vérité qu’il était capable d’apporter aux spectateurs. Nourri d’une fine observation de ses contemporains,  dans cette époque mouvante des « Lumières », il fut à la fois moraliste et brillant dialoguiste. Il avait un sens inné du rythme et des situations sensibles, tant au plan de l’amour, qu’au plan des mutations sociales. Il est, après Molière et Racine le 3e auteur le plus joué par la Comédie française. Il fut reçu à l’Académie Française en 1742.

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