Le Fils

La meilleure pièce de Zeller?
De
Florian Zeller
Mise en scène
Ladislas Chollat
Avec
Stéphane Freiss, Rod Paradot, Florence Darel, Elodie Navarre Raphael Magnabosco et Daniel San Pedro
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Comédie des Champs-Elysées
15 Avenue Montaigne
75008
Paris
153239919
Jusqu’au 30 décembre: Du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 16h

Thème

Nicolas, 17 ans, est en pleine dérive. Fils d’un couple divorcé, sa mère est dépassée par la situation et demande à son père, remarié depuis peu et père d’un nouveau-né, d’intervenir. Celui-ci accepte de prendre Nicolas avec lui et va tout faire pour tenter de le sortir de la dépression qu’il traverse et le sauver.

Jouée de février à mai avec Yvan Attal dans le rôle du père, la pièce avait été interrompue le 1er juin en raison d’un problème de santé de l’acteur. Elle vient de reprendre avec une nouvelle distribution : Stéphane Freiss dans le rôle du père et Florence Darel dans celui de la mère, jouée auparavant par Anne Consigny.

Le Fils est le dernier volet de la trilogie familiale écrite par Florian Zeller, débutée avec La Mère en 2010 (jouée par Catherine Hiegel) et Le Père en 2012 (avec Robert Hirsch).

Points forts

- Le style et l’écriture de la pièce lui donnent une profondeur et une puissance hypnotisantes. Directe, factuelle et sans artifices, la mise en scène de cette chronique de la vie ordinaire sonne juste et installe progressivement une noirceur propre à la banalité, celle dont on ne se méfie pas et qui pourtant, entraîne les personnages dans des abysses.

- Florian Zeller révèle son immense talent à restituer le quotidien du jeune couple sans aspérités, le divorce mal vécu par la femme abandonnée, le fils adolescent paumé, la nouvelle vie du père remarié ... Par petites touches -une phrase anodine , un geste équivoque , une remarque amère -, ce huis clos devient de en plus étouffant et oppressant, révélant avec exactitude les atmosphères familiales les plus funestes.

- Succéder à Yvan Attal dans ce rôle qu’il a incarné à merveille n’allait pas de soi, mais Stéphane Freiss, dans un registre plus calme en apparence, est excellent. Juste et sobre, il sert parfaitement le personnage du père qui veut trop bien faire et qui ne parvient pas à dépasser ses propres fragilités et sa culpabilité. Rod Paradot, récompensé par un Molière pour son interprétation (déjà César du meilleur espoir en 2016 pour son rôle dans « La tête haute »), est toujours aussi bouleversant dans le rôle du fils, qui est sans doute le plus complexe de la pièce.

- Plus efficace, cette nouvelle mise en scène a supprimé les quelques longueurs superflues de la version précédente.

Quelques réserves

Les personnages féminins perdent quelque peu d’intérêt et de surface dans cette nouvelle version. On regrette qu’Elodie Navarre, qui incarnait le rôle de la jeune épouse avec une fausse légèreté troublante, devienne plus lisse et prévisible. C’est aussi le cas pour le rôle de la mère malgré le talent de Florence Darel, magnifique égérie d’Eric Rhomer et dont la présence n’est pas assez mise en valeur. Plus centrée sur les deux rôles principaux, la pièce perd en intensité mais reste néanmoins un des principaux événements théâtraux de la rentrée.

Encore un mot...

Florian Zeller nous entraîne dans la part sombre du destin, que l’on voit surgir et s’étendre jusqu’à ce qu’elle domine l’existence des personnages. Implacable, il montre un couple détruit, et l’impossibilité pour le père de construire une seconde vie. C’est un mirage de bonheur promis, mais qui ne se réalisera pas.

Insidieusement, la pièce déroule sous nos yeux une vérité qui dérange : elle questionne la responsabilité du père comme celle du fils. Deux narcissismes s’affrontent. Celui du « bon père » qu’affiche Stéphane Freiss. Ayant lui-même souffert d’un père absent, il est obsédé par l’idée de lui ressembler et n’a de cesse de vouloir démontrer le contraire ; au point parfois de poursuivre ce seul but au détriment des conséquences sur son fils.

Ce fils qui a compris - instinctivement, inconsciemment ? - sur quel ressort prendre le pouvoir sur son père : celui de la culpabilité, dont il abusera. Accusant son père d’être parti, il en fait l’unique responsable de ses troubles psychiques et de sa dépression, dans une attitude victimaire dont il ne parvient pas à se départir. En proie à de terribles souffrances et à l’auto-destruction, impuissant à se rebeller ouvertement contre son père, il le fera par sa force d’inertie, ses silences culpabilisants et surtout, par les efforts promis qu’il ne fera pas. Habile à obtenir le soutien inconditionnel de parents totalement désemparés et impuissants, ce fils dictera leur tragique destin.

Une phrase

- Pierre (le père) :" En tout cas, si tu as des angoisses, il y d'autres façons de les canaliser. Pourquoi tu ne fais pas plus de sport? Tu devrais aller courir au moins. On pourrait y aller ensemble, si tu veux.(...)

Tu sais, quand tu te fais du mal, c'est comme si c'était à moi que tu en faisais".

- Nicolas (le fils), avec la froideur des reproches :" Et toi, quand tu as fait du mal à maman, c'est à moi que tu en as fait." 

L'auteur

Florian Zeller publie à 22 ans son premier roman, Neiges artificielles, qui a reçu le prix de la fondation Hachette. En 2003 , il publie son deuxième roman, Les Amants du n'importe quoi, puis La Fascination du pire l’année suivante, qui remporte le Prix Interallié; et La Jouissance, en 2012. 

C’est au théâtre qu’il connaît ses plus grands succès. Il crée L'Autre en 2004, puis Le Manège (2005), Si tu mourais (2006 avec Catherine Frot), et Elle t'attend (2008 avec Laetitia Casta). 

Sa trilogie familiale est jouée par de grands acteurs :  Catherine Hiegel (ancienne sociétaire de la Comédie Française) interprète La Mère en septembre 2010, rôle pour lequel elle reçoit le Molière de la meilleure comédienne. En 2012, Le Père est joué par Robert Hirsh, qui triomphe durant trois ans et obtient trois Molières en 2014. Il jouera également en 2016 Avant de s'envoler, au Théâtre de l’œuvre. En 2011, Pierre Arditi a créé au théâtre Montparnasse sa sixième pièce, La Vérité, puis Le Mensonge en 2015. Fabrice Luchini interprètera Une heure de tranquillité en 2013 et enfin, Daniel Auteuil crée L'Envers du décor en 2016.

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