Le Faiseur de théâtre,

De
Thomas Bernhard
Mise en scène
Julia Vidit
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Athénée Théâtre; Square de l'Opéra Louis Jouvet
7 rue Boudreau
75009
Paris
01 53 05 19 19
Du mercredi au samedi à 20h. ATTENTION : fin des représentations, le 12 avril.
Vu
par Culture-Tops

Thème

"Le faiseur de théâtre" ( 1984) trouve son origine dans la vraie colère de Thomas Bernhard quand les services de sécurité du festival de Salzbourg lui refusèrent de faire le noir total à la fin d'un spectacle. Sa réponse cingla : " Une société qui ne supporte pas deux minutes d'obscurité peut se passer de ma pièce". Et une dizaine d'années plus tard, il écrivait " Le faiseur de théâtre" avec les imprécations du " grand comédien" Bruscon, un philosophe mal maîtrisé, tyran familial, mauvais coucheur, fou furieux. Il a une obsession: que l'on fasse le noir total à la fin. Les pompiers refusent. Son délire décuple.

Bruscon arrive avec sa troupe familiale à l'auberge du "Cerf noir" dans un village autrichien de 260 habitants où il vont jouer son chef-d'oeuvre, " La roue de l'Histoire". Napoléon, Marie Curie, César et Hitler y dialoguent.

Mais c'est le jour du cochon, on le tue, il couine. Les aubergistes sont de piètres machinistes et régisseurs. "L'art, l'art, l'art'", les sermonne l'homme de théâtre meurtri qui se pense génial et peut-être l'est-il....

Points forts

1 L'auteur inouï qu'est Thomas Bernhard, né en 1931, placé à douze ans dans un internat nazi, à Salzbourg, sera marqué à vie par cet environnement insupportable et destructeur. Avant de mourir en 1989, il disait qu'il restait " encore plus de nazis en Autriche que pendant la guerre". Il détestait Vienne et vivait dans une grande ferme isolée où les journalistes le guettaient pour l'interviewer. Joué pour le centenaire du très officiel Burgtheater de Vienne, son dernier chef-d'oeuvre, " Place des héros", situé sur la place où toute la ville acclama le chancelier Hitler, entraîna un scandale national. Un ministre réclama son expulsion du territoire. L'auteur interdit que ses pièces soient désormais jouées en Autriche .

Quant aux romans, il avait écrit à un grand journal autrichien: "Merci de ne pas trop vous fatiguer pour la prochaine critique de mes livres et de faire directement appel à un chimpanzé ou singe hurleur, également originaire bien entendu de Haute - Autriche, ou y ayant sa résidence".

2 La langue, le ton, l'authenticité de la révolte verbale, l'écriture qui semble tourner en rond comme une scie mais joue une partition très prenante. On attendait le couplet contre l'Autriche: il arrive pile à 30 mn. Ouf!

Derrière tout cet amour - haine , il y a aussi une vraie drôlerie et le public du théâtre de l'Athénée ne s'y trompe pas . Pour Th. Bernhard, la réalité se voit sous l'angle de la comédie : " c'est la seule issue".

3 La qualité du spectacle mis en scène par Julia Vidit et produit au Centre National de Thionville- Lorraine. François Clavier, acteur à la stature immense, est bien dans le rythme de ce Buscon délirant et tyrannique qui vocifère, s'en prend à tout et à rien et enchaîne les anathèmes contre sa femme, "une fille de contremaître maçon", contre son fils: " sa plus grande déception", contre son pays : " Une fosse d'aisance", et contre l'avenir car "Le but est le malheur et la fin".

Quelques réserves

Le parti pris de faire jouer les aubergistes ( très bons comédiens aussi) comme dans une bande dessinée bavaroise ancienne, avec des silhouettes replètes et cocasses, rend la chose plaisante mais cela occupe un peu trop l'espace et détourne de l'essence de la pièce: la folie de l'écriture.

Encore un mot...

Assister à une nouvelle mise en scène d'une pièce de Th. Bernhard est une prise de risque : on craint d'être déçu. On aurait presque peur que l'auteur sorte de sa tombe et surgisse pour protester. Mais il ne tuait que par écrit et ce spectacle de l'Athénée ne nous heurte pas.

On révise son "Faiseur de théâtre" sur cette scène où Louis Jouvet mourut d'un infarctus pendant une répétition de "La puissance et la gloire" . Presque du Thomas Bernhard....

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