Le consentement
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Thème
Le texte-témoignage de Vanessa Springora, adapté pour le théâtre après avoir été porté au cinéma, fait le récit de l’emprise dont elle a été victime entre 14 et 16 ans, littéralement “raptée“ à elle-même par G.M., celui qui se présente comme le “grand écrivain“.
Cet amoureux idéal est en réalité un “serial prédateur“, pédophile impénitent et tortueux, dont les multiples stratagèmes consistent à faire croire à une passion amoureuse, pour mieux enfermer sa jeune proie dans l’illusion de vivre une histoire extraordinaire, alors que la réalité est bien plus sordide.
Points forts
Ludivine Sagnier, adolescente jusque dans les mouvements de son corps, règle sa démarche, l’expression de son visage sur le personnage de V., sans jamais forcer le trait ni céder au pathos d’une histoire pourtant dramatique.
Jouant son propre rôle, seule en scène, elle mime aussi, dans le même temps, l’entourage parental défectueux, les amis aveugles et post-soixante huitards, le corps médical, le corps enseignant, tous les adultes dont les défaillances accumulées ont permis l’agression et l’enlèvement de la mineure.
Malgré la douleur, le ton reste juste et pudique en dépit de l’obscénité d’une situation où la quasi enfance devient un terrain de chasse
La musique joue le trait d’union entre les scènes sans prendre le dessus, discrète ponctuation du récit méticuleux, presque clinique, de la domination exercée par l’adulte pédophile sur la très jeune fille persuadée de vivre un “grand amour“.
La mise en scène est sobre et essentielle, projetant parfois l’ombre du corps de V. derrière un filtre lacté, organisant l’enfermement entre un lit aux draps noirs, une table et une chaise immobiles.
Quelques réserves
- Le micro qui, un instant seulement, transforme la voix de la comédienne en voix métallique, perturbe le début sans rien signifier de particulier.
Encore un mot...
La force du témoignage de V. tient au fait qu’il émerge après des décennies de réflexions et de souffrances, à la suite de l’événement traumatique originel qui a consisté à se faire dérober son innocence dans des circonstances où aucune protection ne s’offre ni aucun frein n’est mis à l’instinct de prédation.
Le mécanisme d’emprise ressemble à la mise en place d’un leurre persistant à faire croire à la victime à ses propres fantasmes, dans un miroir tendu, tandis que la réalité se dérobe et s’efface dans le mensonge.
La jeune femme devient dès lors un personnage de papier, venu nourrir l’écriture de l’écrivain, prétendument grand, en même temps qu’elle tient la fonction d’objet sexuel qui s’étiole peu à peu devant la violence de l’abus.
Une phrase
« Depuis tant d’années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. »
- « Quelle preuve tangible avais-je de mon existence, étais-je bien réelle ? Pour en être certaine, j’ai commencé par ne plus manger. À quoi bon m’alimenter ? Mon corps était fait de papier, dans mes veines ne coulait que de l’encre, mes organes n’existaient pas. Autour de moi, la ville, brumeuse, féérique, se muait en décor de cinéma. Tout était faux autour de moi et je ne faisais pas exception. »
L'auteur
Vanessa Springora est une autrice, éditrice et réalisatrice française. Diplômée d'un DEA de Lettres modernes à l'université de Paris-Sorbonne, elle est directrice des éditions Julliard de décembre 2019 à septembre 2021. Elle débuta sa carrière en 2003 en tant que réalisatrice-autrice pour l’Institut National de l’Audiovisuel, avant de rejoindre les éditions Julliard comme assistante d’édition en 2006.
- Son livre, Le consentement, publié en 2020, a créé une onde de choc dans la société avant de participer à faire éclore de nombreux autres témoignages.
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