Le chant de l’infirmière

Un passé qui ré-enchante le vieillissement
De
Emmanuelle Caron
Mise en scène
Emmanuelle Caron, Sandrine Vallette-Viallard
Avec
Anthony Dubé, Naomi Jouan, Martin Lair, Hervé Larroussinie, Iris Merlet-Caron, Rita Neminadane, Vanessa Seiler, Xavier Sibuet
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Guichet Montparnasse
15, rue du Maine
75014
Paris
01 43 27 88 61
Jusqu’au 30 juin 2024. Vendredi et samedi 20h30. Dimanche 16h30.

Thème

  • Une infirmière inspirée, qui travaille depuis cinq ans dans une maison de retraite, se remet difficilement de la mort de sa mère, et rêve de devenir Angélique marquise des anges…

  • Elle évoque sa patiente préférée, la seule qui la touche vraiment, Antonia, ancienne « grande actrice » de théâtre en fin de vie, qui lui raconte chaque soir des épisodes de son existence et convoque pour elle les fantômes de son passé : outre son jeune amant Tamino, il y a ses deux maris successifs, ainsi que Pierre, le directeur du théâtre où on s’apprêtait à jouer La Mouette de Tchékhov, et Muriel l’ingénue débutante…

  • Tous ces personnages du théâtre de son passé viennent habiter le présent de l'infirmière qui, séduite par ce monde d’évocations et d’images, s’inquiète de la fin proche de l’actrice.

Points forts

  • La “mise en abime“ que permet la présence de la Mouette de Tchékhov, constant arrière-plan du propos, donne un relief poétique saisissant au spectacle. 

  • En pénétrant dans les souvenirs et l’intimité pathétique d'Antonia, on ne sait jamais, pas plus d’ailleurs que l’infirmière, ce qui est vrai et ce qui est faux… Qu’importe d’ailleurs, puisque cette indécision est comme une métaphore du théâtre, où le corps et les mots des acteurs accueillent et abritent les rêves et les fantasmes des spectateurs.

  • Il faut saluer la frontalité du jeu de l’infirmière, qui fonctionne comme une “voix off“ qui aurait un visage (mais qui gagnerait sans doute à être un peu moins sur le devant de la scène) et la subtilité de l’interprète d’Antonia.

  • L’utilisation de la minuscule scène du Guichet Montparnasse est parfaite : la circulation y est fluide, les interventions musicales adaptées et l’éclairage accompagne idéalement la tonalité des scènes. 

Quelques réserves

L’inégale qualité de l’interprétation, sans rien de déshonorant cependant. 

Encore un mot...

  • La vie des actrices, leur vieillissement - entre légende noire et idéal - est une source inépuisable d’inspiration au théâtre comme au cinéma. On pense évidemment à Eve (All About Eve) de Joseph L. Mankiewicz (1950), à Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (What Ever Happened to Baby Jane ?) de Robert Aldrich, (1962) ou à Opening Night de John Cassavetes (1977) pour les plus célèbres. 

  • Est-ce parce que leur vie est censée avoir été plus lumineuse, plus riche, plus monstrueuse aussi que celle de n’importe qui d’autre ? Ou parce qu’elles ont vécu plusieurs vies ? Ou encore parce qu’avoir interprété la Nina puis l’Arkadina de Tchékhov donne une sorte de plus-value à l’existence ?  

  • Notre époque interroge désormais le discrédit qui frappe la vieillesse et les disparités de genre qui l’accompagne : tout le monde s’accorde à dire, au théâtre comme ailleurs, que la masculinité vieillissante est plus “sexy“ que la féminité vieillissante…

  • Ici, l’originalité tient à l’évocation âpre de ce qu’est la fin de vie dans un lieu conçu pour ça, avec sa brutalité et sa trivialité que seule peut réenchanter l’évocation du passé, pour celle qui va mourir comme pour celle qui accompagne les mourants. 

Une phrase

  • Pierre : « Tes trous de mémoire, tes vapeurs et tes scènes continuelles empêchent ce foutu spectacle d’avancer. »
    Antonia : « Oh ! N’appelle pas ça comme ça, Tchékhov ca n’est pas un spectacle ! »
  • « Le plus important pour une actrice comme pour nous c’est de se broder soi-même. »
  • L’infirmière : Cette fois-ci, à la fin de cette ultime scène, elle entrera dans le silence. »

L'auteur

  • Romancière, poète et dramaturge franco-québécoise, Emmanuelle Caron enseigne la littérature et le théâtre dans un lycée international de Montréal. Son premier roman Tous les âges me diront bienheureuse a paru en 2017 chez Grasset, après plusieurs livres de littérature jeunesse.

  • Le Chant de l'infirmière a été publié par les éditions Hamac en 2021, à Montréal.

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