Le cahier noir

A fait beaucoup mieux
De
Olivier Py
Adaptation théâtrale du livre éponyme du même auteur paru aux éditions Actes Sud en 2015
Avec
Emilien Diard-Detoeuf, Emmanuel Besnault et Sylvain Lecomte
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Le Centquatre
5 rue Curial
75019
Paris
01 53 35 50 00
Jusqu' au 19 novembre Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 18h

Thème

Tout se passe dans un cahier, noir, et intime entre les mains d’un adolescent, ébouriffé et au débit rapide. Affolé, il court après le temps, celui apparemment sacré du premier rapport sexuel, ce temps rêvé d’échapper à la province mortifère. On y confond les fantasmes avec l’ennui, l’amour avec la souffrance. Nous voilà plongés dans une course au sado masochisme, une exploration effrénée et extrême du monde par un enfant qui deviendra grand. En quête de cette grandeur, de cette poésie à laquelle on lui oppose la norme forcément traître à son lyrisme, l’adolescent méprise tout ce qui ne provoque de frissons. Et nous devrions, à l’aune de ce qu’est devenu Olivier Py, être transcendés par ce texte insipide…

Points forts

La simplicité du dispositif a le mérite de servir le propos. Dès les escaliers qui mènent à la salle, nous pouvons lire la pièce/journal dont les pages manuscrites sont collées au mur ainsi  que les croquis dessinés par Olivier Py. Il y est question de noirceur, de mort, de foi, et on entre dans un décor en noir et blanc et en deux dimensions : une bâche du sol au plafond avec quelques troncs et la ville dans le fond. Un lit, une chaise, une lampe, la mise en scène dépouillée est là pour souligner et se concentrer sur le discours du jeune Olivier Py, incarné par Emmanuel Diard-Detoeuf. Et il parle, beaucoup et vite, pour raconter la désuétude de cette petite ville de province incapable d’abriter les fantasmes débridés et d'assouvir la soif de sensations de l’adolescent qui s’ennuie.

Quelques réserves

Pour ma première représentation d’une pièce d’Olivier Py, la déception fut grande. Cet actuel directeur du plus important festival de théâtre en Europe et dont les pièces ont été couronnées de nombreux et prestigieux prix nous livre ici les turpitudes de sa jeunesse dans un quasi monologue dont le vide est abyssal. Rien dans le texte, ni la mise-en-scène, ne vient critiquer ou nous rapprocher de cet adolescent qui dérive, plombé par sa libido. Au contraire, Emmanuel Diard-Detoeuf qui incarne le jeune O.Py, est solidement planté sur ses deux jambes, le regard clair et la voix qui porte. Son corps même maigre est puissant et l’énergie hystérique qu’il met à vouloir séduire les hommes autour de lui fait naître un certain malaise chez la spectatrice que je suis. En effet, le personnage a une manie de se croire plus intelligent, plus sombre et plus poète que tous les miséreux qui l’entourent. Le jeu des comédiens ne permet pas de dévoiler d’autres facettes d‘un texte trop vert. Il est dommage que l’immaturité de ces lignes ne soit pas nuancée par un regard qui pourrait être plus distancié.

Encore un mot...

Citer Rimbaud, influence ou écho du « Cahier noir » me semble aller contre ce texte. Comment ne pas penser à Georg Trakl dont Claude Régy avait adapté son « rêve et folie » ? L’entreprise de dévoiler la jeunesse d’un auteur vivant, par lui-même, semble ici bien périlleuse et premier degré. Impossible d’approcher cette folie qui est celle de l’adolescence et la poésie qui parfois en surgit.

Une phrase

« L’ennui est une patrie ».

L'auteur

Auteur, metteur en scène et acteur, Olivier Py est né en 1965. Formé à l’École nationale supérieure d’Arts et Techniques du Théâtre puis au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique, il fait aussi des études de théologie. Après plusieurs spectacles, il est révélé au Festival d'Avignon 1995 avec une pièce de 24h: « La Servante ».

Habitué aux coups d’éclats qui lui attirent autant de détracteurs que d’adorateurs Olivier Py assure aujourd’hui la direction du Festival d’Avignon après, notamment, celle du théâtre de l’Odéon à Paris. La quasi totalité de son œuvre est publiée chez Actes Sud. Il y a publié cette année « les Parisiens »(cf chronique Culture-Tops).

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