LE BAR DE L’ORIENTAL
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Thème
Cinq personnages sont plongés dans le cadre exotique mais déliquescent de la fin de l’ère coloniale, et qui est aussi celle des illusions perdues.. Au milieu du climat de peur et d’insécurité que connait l’Indochine au début des années 1950, ces hommes et femme vont être tiraillés entre l’appel du devoir, la puissance de sentiments amoureux, la beauté magique du lieu, les volutes de l’opium, ainsi que l’impérieuse nécessité de survivre à la perte annoncée de leurs racines et à la destruction de leurs souvenirs passionnés.
Le huis clos a lieu dans la “Résidence des Pagodes“, vieille demeure coloniale située dans le nord du Tonkin, à Langson près de la frontière chinoise (ville qui tombera en 1950 aux mains du Viêt-minh). Là se déroule une tragédie implacable mettant aux prises Dorothée, une femme solaire et ambigüe, son jeune et nouvel époux intrépide mais dépassé, le commandant de Marbourg, un militaire qui brûle de désir, aguerri mais inquiet face au danger que représente un ennemi insidieux tout proche, un policier impitoyable et perspicace, et pour finir un mystérieux « terroriste », cet invisible « Viêt » bourreau des cœurs et des corps.
L’histoire a commencé à Saïgon, cinq ans auparavant, à l’abri de la torpeur tropicale, dans ce fameux Bar de l’Oriental où auraient pu se nouer les fils d’une autre vie, à un amour près. Ici, rue de la Gaité, un académicien distingué nous convie à poursuivre l’aventure et à en partager l’épilogue. Dépaysement garanti.
Points forts
Un parfum d’exotisme dans un décor propice à l’évasion. • Un premier rôle intéressant joué par une belle et captivante héroïne. C’est le phare vers lequel convergent tous les regards, comme à l’époque ceux des hommes blancs ou jaunes, militaires ou hommes d’affaires subjugués et jaloux, fascinés par l’autorité et le charme de cette riche fille de planteur d’hévéas.
Elle fera hélas une rencontre galonnée et une autre plus sulfureuse. Gaëlle Billaut-Danno, toute de blanc vêtue et toujours en culotte de cheval, est sublime. Pierre Deny dans la peau du commandant livrant sa dernière bataille, celle des sentiments, est très convaincant !
Pour les amateurs d’histoire contemporaine, ce rappel vivant de souvenirs douloureux de l’époque dite « coloniale », où l’on ne parlait moins de colonialisme et pas encore de guerre du Vietnam, mais de la fin de l’empire français et de son fleuron, l’Indochine.
Une certaine émotion devant ce “choc de civilisations“ et l’affrontement culturel et patriotique des deux côtés. Ici l’évocation du sacrifice de soldats courageux et abandonnés se battant pour l’amour du drapeau ne manque pas de panache.
Quelques réserves
Manque de rythme, démarrage poussif, on a un peu l’impression que les protagonistes ne se sont jamais vus, qu’ils sont là pour faire connaissance. Manque de répétitions peut être ?
Les textes sont élégants, la mise scène raffinée, mais ce qui manque, c’est la passion, une mise en exergue de la dramaturgie. Ce spectacle est un peu trop lisse, compte tenu du contexte et des enjeux politico militaires.
Pour illustrer le propos on pourrait dire que cette pièce hésite trop longtemps entre la 317ème section et l’Amant, entre l’amour et le ressentiment, entre la peur et l’espoir, entre l’amour et le hasard.
Cependant, la deuxième partie échappe à ces réserves.
Encore un mot...
« Je me suis souvent demandé pourquoi l’Indochine occupait une place si importante dans ma vie. C’est que ce pays au destin tragique a bizarrement illustré beaucoup de mes déchirements et de mes contradictions. J’explore dans cette pièce une réalité aux vérités et aux visages divers. J’y montre tous les aspects d’une forme de guerre civile, intérieure et extérieure entre des protagonistes qui, obligés de se combattre, ont continué à s’estimer et même à s’aimer. Tous mes personnages ont un point commun terriblement humain. Ils sont insatisfaits et aspirent à un idéal impossible à atteindre. »
(Jean-Marie Rouart)
Une phrase
Romancier, essayiste et chroniqueur né en 1943, Jean-Marie Rouart devient académicien en 1997 aux côtés de son grand ami Jean d’Ormesson.
Il est l’auteur d’une œuvre conséquente, avec La Fuite en Pologne (1974), Avant- guerre (1983, prix Renaudot), Les feux du pouvoir (1977, prix Interallié), mais aussi d’Omar Haddad, la construction d’un coupable (1985), de Morny un voluptueux au pouvoir (1995), de La noblesse des vaincus (1998), d’Ils ont choisi la nuit (2015, prix de l’Essai de l’Académie française), d’un Napoléon ou la destinée (2015), du Dictionnaire amoureux de d’Ormesson (2019) et de Ce pays des hommes sans Dieu (2021). Il vient de publier « La maitresse italienne ».
Parallèlement, Jean-Marie Rouart a poursuivi une carrière de journaliste comme directeur du Figaro Littéraire, éditorialiste au Quotidien de Paris, chroniqueur à Paris Match. Il est commandeur des Arts et Lettres et a reçu le Prix du Prince de Monaco pour l’ensemble de son œuvre.
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