L’Avare
Infos & réservation
Thème
Harpagon, avare maladif, ne vit que pour l’argent, obsédé par sa cassette et terrorisé à l’idée de la moindre dépense. Il amasse, accumule, stocke et s’enferme dans sa folie destructrice.
Par le mensonge, la fourberie et la violence il impose sa règle à son entourage, enfants, serviteurs. Il les aliène à sa soumission, à sa religion pour le dieu argent. Mais Cupidon veille...
Points forts
1 Le texte. C’est une évidence. Molière au plus haut ! Tellement contemporain que les références obligées à son temps, insérées par Molière pour amadouer les puissants d’alors, les pirouettes pour sauver in extremis la « morale » de l’affaire ont disparu ou passent ici inaperçues. Il ne reste que l’essentiel : le portait d’un homme qui sombre, aspiré par ses angoisses et sa folie, dans un tourbillon où il s’efforce d’entraîner tous ceux qui l’approchent.
2 L’adaptation et la mise en scène. Ludovic Lagarde nous livre un Avare d’aujourd’hui sans renier pour autant la Comedia d’el Arte. Son adaptation, sa mise en scène et sa direction d’acteurs jouent sur les ficelles de la comédie italienne avec ses traits grossis, sa bouffonnerie exacerbée et ses éclats de rire. Elles révèlent dans le texte, une dénonciation très contemporaine de l’obsession mortifère de l’accumulation, de la violence que génère le culte de l’argent. Les charges opposées de la comédie et du drame déclenchent sur scène un véritable orage, tout devient électrique.
3 Les acteurs. La troupe est emmenée par Laurent Poitrenaux, qui en Harpagon, impose son rythme et ses étonnantes transformations. Maître autoritaire, séducteur ridicule, donneur de leçon, victime outragée, angoissé métaphysique… il passe d’un état à l’autre avec une aisance et une maîtrise du geste impressionnantes même dans ses tirades de rappeur ou ses délires épileptiques dès qu’il s’agit de payer. Christèle Tual est une Frosine surprenante. Ses jambes interminables sous une jupe de cuir fendue en font une couguar dominatrice, entremetteuse qui sait parler aux hommes même lorsqu’elle sombre dans l’alcool. Les corps parlent eux aussi la langue de Molière...
4 Le décor. Harpagon et sa troupe vivent dans un hôtel particulier vidé de tout meuble pour laisser place à un amas de conteneurs, de caisses, de cartons, de lustres emballés… Les richesses accumulées par l’avare maître de maison, inutiles, inaccessibles, n’ayant pour seule fonction que celle du négoce. Harpagon réussit même à y enfermer la vie de ses proches : une des caisses abrite les ébats amoureux de sa fille Elise, une autre est la cuisine ou officie Maître Jaques. Des déménageurs – agents de change muets - vont et viennent en permanence emportant, apportant caisses et cartons. Jusqu’à une scène finale où ne subsiste plus qu’un congélateur fluorescent. Sarcophage illuminé d’Harpagon, transformé en veau d’or. Superbe image.
Quelques réserves
Le parti pris contemporain a son revers. Privilégiant la folie et l’égoïsme d’Harpagon, il gomme bien d’autres satires et critiques que Molière, par jeu et avec élégance, glisse dans toutes ses pièces. Découvrir et aborder Molière par cet Avare serait réducteur; on ne peut ici, en réalité, que le redécouvrir. Enseignants et scolaires, très présents à l’Odéon, devraient en tenir compte !
Encore un mot...
Quoi de neuf ? Molière mis à nu, provocateur et cruel.
Une phrase
Harpagon : « ….Ciel ! à qui désormais se fier ! Il ne faut plus jurer de rien ; et je crois après cela que je suis homme à me voler moi-même. »
L'auteur
Ludovic Lagarde (20/09/62) fait ses études de théâtre à Censier. Puis il devient assistant du metteur en scène Christian Schiaretti d’abord au sein de sa compagnie, puis à la Comédie de Reims – Centre Dramatique National où ce dernier est nommé directeur en 2009.
Avec le soutien de la Comédie de Reims, Ludovic Lagarde réalise ses premières mises en scène et fait les rencontres déterminantes de son parcours. Avec l’écrivain Olivier Cadiot, avec des comédiens de sa génération, dont certains, comme Laurent Poitrenaux, restent des collaborateurs indispensables à ses projets. C’est avec lui, pour la création d’un texte de Cadiot, qu’il réalise la mise en scène qui sera le pivot de son parcours : Le Colonel des Zouaves en 1997. Ce projet, qui est le premier réalisé par la compagnie fondée à cette occasion, marque un tournant dans sa carrière. En mars 2010 à la Comédie de Reims, il crée Doctor Faustus Lights The Lights et récrée Oui dit le très jeune homme, deux pièces de Gertrude Stein, adaptées par Olivier Cadiot. Il crée Lear Is in Town pour la 67e édition du Festival d’Avignon, d’après Le Roi Lear de William Shakespeare, dans une traduction de Frédéric Boyer et Olivier Cadiot.
En 2014, il co-met en scène Le Regard du nageur, écrit et interprété par Christèle Tual et crée Quai ouest avec des comédiens grecs au Théâtre national de Grèce à Athènes. La même année, il monte l’Avare. En 2015 : La Baraque de Aiat Fayez, (Comédie de Reims), 2016 : Marta, opéra de Wolfgang Mitterer et Gerhild Steinbuch, pour l’ Opéra de Lille et Providence, adaptation du livre du même titre d'Olivier Cadiot, avec Laurent Poitrenaux.
Ajouter un commentaire