L’avalée des avalés
Infos & réservation
Thème
Au centre de la pièce, une jeune femme, Bérénice Einberg, entourée d’une famille : un père juif qu’on ne verra pas, une mère terrible et possessive et surtout un frère, Christian. Ils vivent sur une île, dans la banlieue de Montréal. Au milieu des tiraillements parentaux, Bérénice porte un amour inconditionnel à son frère et partage avec lui un imaginaire flamboyant et incandescent. Ensemble ils s’évadent d’un quotidien douloureux dans lequel leurs parents les enferment tout en les séparant. Et toujours elle revient à ses rêves, ses obsessions, dans lesquelles elle essaye de l’embarquer.
Points forts
Le livre est paru en 1965 et a fait figure d’OVNI littéraire. Le manuscrit envoyé chez Gallimard attira immédiatement toutes les attentions, notamment celle de Raymond Queneau. Si Ducharme n’aura pas le Goncourt, l’œuvre sidère : « révélation », « génie » … "L’avalée des avalés" est devenu le roman culte de l’auteur. C’est ce texte rare, méconnu que nous découvrons aujourd’hui.
Il s’ouvre par des mots crus, douloureux, vibrants qui nous happent immédiatement et n’auront de cesse de nous interpeler tout au long du spectacle. « Tout m’avale » scande la narratrice, et nous voilà nous aussi avalés par la douleur vive de cette héroïne qui s’agrippe de toutes ses griffes à l’enfance, alors que son corps lui aussi la trahit en devenant adulte. On ressort sonné par un tel déluge de feux.
Et que dire de la Canadienne Sarah Laurendeau ! Magnifique interprète qui dévoile une palette de sentiments, d’expressions, donnant à son personnage toutes les dimensions d’une femme qui repousse ses limites jusqu’à l’infini. Elle accompagne son héroïne dans son voyage intérieur qu’elle fait vivre d’une multitude d’expressions, d’accents, de postures et de retournements. Habitué du théâtre classique mais aussi contemporain, Sarah Laurendeau tourne aussi pour le cinéma et la télévision québécoise. Inutile de dire qu’on aimerait la voir plus souvent en France. Elle est également très bien entourée par son compatriote Benoît Landry et Louise Marleau.
Quelques réserves
Difficile pour un texte d’une telle puissance d’être d’une même intensité tout au long de la pièce. Il y a forcément quelques passages – rares et courts – qui sont un ton en-dessous. On pense par exemple à des monologues de la mère. Comme si l’auteur nous octroyait des respirations pour mieux nous reprendre ensuite par le col et nous entraîner dans son tourbillon.
Encore un mot...
Le passage d’un livre à la scène n’est pas chose facile : la mise en scène de Lorraine Pintal et le talent des acteurs accompagnent le style inimitable de Réjean Ducharme, donnent vie à cette langue truculente, inventive et ludique. D’une des œuvres les plus fortes et les plus célébrées de la littérature québécoise, ils font une pièce puissante et unique en son genre.
Une phrase
« Tout m’avale … Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragile, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère ».
L'auteur
Réjean Ducharme est un poète, romancier, parolier, créateur de toiles et de sculptures iconoclastes, disparu l’année dernière à 76 ans. On ne sait rien de lui ; pendant longtemps, seule une photo de son passeport a circulé. A chaque parution d’un nouveau livre, cette photo était retouchée et vieillie. Et puis, en 1994, une nouvelle photo apparaît, prise par sa compagne … dix ans plus tôt. On le voit avec son chien Blaise dans les Laurentides. Et c’est tout … « Mon roman c’est public mais pas moi » confiait-il.
Ajouter un commentaire