L'Autre
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Thème
Un couple jeune. Ils ont cru s'aimer. Elle le trompe. Ils se déchirent.
Comment en sont-ils arrivés là? Sur quoi peut déboucher tant d'amertume?
C'est l'occasion pour Florian Zeller d'aborder quelques grands thèmes: l'amour et son usure au quotidien. La trahison amicale et amoureuse. La solitude réelle et fantasmée. Les forces en présence dans les relations à l'autre. L'égocentrisme en amour.
Points forts
1 La construction de la pièce en neuf courtes scènes qui se chevauchent, certaines en des versions différentes, mêlant réel et imaginaire, passé, présent et futur, suscitant chez le spectateur une interrogation permanente.
Une maîtrise dans la construction assez exceptionnelle pour une première pièce, avec cet enchevêtrement très habile des situations qui rend encore plus vraie l'expression des caractères.
2 Des notations très subtiles, concernant par exemple:
- l'enfermement destructeur de chacun dans sa propre logique.
- la difficulté d'un amour bâti sur le malheur de l'autre.
- la peur de quitter le connu (le couple-nos névroses) pour l'inconnu (la solitude et le face à face avec soi-même).
- l'importance de cet autre en nous, notre inconscient, ignoré, qui vient perturber nos sentiments et nos comportements. Mais l'autre, ce n'est pas seulement notre inconscient, c'est aussi, interprété ici de façon très juste par Jeoffrey Boudenet, l'amant, l'ami qui trahit.
3 Un art déjà consommé des mots et des formules choc.
4 Une mise en scène au rythme rapide qui accentue l'impression de cohérence du texte, dans une vision très sombre du non-amour et de la solitude quasi obligée des êtres.
5 Aucun artifice de décor ne vient nous distraire du propos.
Quelques réserves
1 Quelques artifices de ton qui vont à l'encontre du réalisme des mots.
2 Un certain manque de nuances dans le caractère des deux principaux personnages qui fait qu'on ne peut pas s'attacher complètement à eux malgré l'intérêt du propos.
3 Un dialogue entre elle et son amant, sur le thème "je t'aime, moi non plus", un peu long et parfois difficile à suivre dans ses méandres.
Encore un mot...
Qui seront quatre:
1 A travers une construction élaborée mais avec des phrases simples, Florian Zeller nous fait vivre une ambiguïté omniprésente et déroutante à l'image des relations humaines et de la vie.
2 Zeller a l'art d'exprimer un amas de petits riens qui, assemblés, donnent un éclairage profondément vrai sur les êtres, à travers leurs désirs, leurs manques, leurs frustrations. Il y a du Pinter chez ce Zeller là.
3 Ecrire un tel texte à 25 ans, comme un vieux briscard revenu de l'amour, c'est impressionnant, même si Zeller n'est pas le premier, évidemment. Nous pensons en particulier à Strindberg.
4 Ceci étant, qu'il nous (SDB/JP) soit permis de préférer au Zeller auteur de théâtre "sérieux" -avec quelques dérapages, comme le soporifique "La Mère"- le Zeller auteur libéré de franches comédies, comme cette petite merveille, "La Vérité", interprétée en 2011 par Pierre Arditi. En attendant sa dixième pièce, qui sera créée en janvier 2016, avec Daniel Auteuil en vedette.
Une phrase
Ou plutôt deux:
- "La frivolité est la connerie de la légèreté".
- "On ne se rencontre plus aujourd'hui, on se croise"
L'auteur
"L'Autre" fut la première pièce jouée de Florian Zeller. C'était en 2004; il en a écrit neuf depuis.
Il n'avait que 25 ans, mais déjà derrière lui trois romans, "Neiges artificielles", "Les Amants de n'importe quoi" et "La Fascination du pire" qui lui valut cette année-là le Prix Interallié.
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