La voix humaine

Une expérience rare de "théâtre musical"
De
Francis Poulenc
d’après la pièce de Jean Cocteau
Avec
Caroline Casadesus
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre de Poche Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse
75006
Paris
0145445021

Thème

- La Dame de Monte Carlo : Un destin de femme poignant qui perd sa fortune au jeu avant de se suicider en se noyant dans la Méditerranée. L’expression d’une résignation inéluctable, chez une femme forte trahie par sa faiblesse. 

- La Voix humaine : seule, dans une chambre à coucher en désordre, une femme jeune et belle, téléphone à son amant qui lui annonce leur rupture et son intention d’en épouser une autre. Dévastée par le chagrin, au comble d’une souffrance intolérable, cette femme s’accroche au téléphone régulièrement coupé par des interférences extérieures. Dans un face-à-face terrifiant avec l’absence, elle fait du téléphone à la fois un lien et une « arme effrayante ». 

Cette pièce splendide et « monstrueuse », selon les termes du compositeur, est rarement jouée. La qualité de l’œuvre requiert de l’interprète à la fois une grande amplitude vocale qui exprime le lyrisme et la sensualité de la musique de Poulenc, mais aussi des qualités d’actrice pour jouer le tourment amoureux où se mêlent passion, mensonge, renoncement et désespoir. 

Au point de départ, La Voix humaine est une tragédie lyrique en un acte, un monologue bouleversant pour soprano et orchestre ou piano, écrit par Jean Cocteau en 1930. Berthe Bovy créa la pièce la même année à la Comédie Française. Cette œuvre inclassable, suscite des réactions controversées et de vives polémiques. 

Francis Poulenc en composa la musique en 1958 et la première fut donnée le 6 février 1959 par Denise Duval pour qui le rôle de soprano avait été écrit. Ce fut donc à la salle Favart à Paris, et dirigée par Georges Prêtre que le public put découvrir l’œuvre. 

Points forts

- La Dame de Monte-Carlo: dès les premières notes, l’issue s’annonce irrémédiablement. Cocteau et Poulenc s’accordant, tels des impressionnistes, tant leurs mots et leurs notes sont subtiles, pour « chanter » que la ruine signifie le plus souvent l’avancée vers une fin décidée. 

- La Voix Humaine, fruit de deux talents d’exception, Cocteau et Poulenc, pour un sujet d’une grande proximité avec le public : un appel téléphonique pour annoncer une rupture ! On peut trouver une analogie entre ce téléphone « chaotique » des années cinquante et l’usage démesuré et presque irraisonné qu’on ferait, pour de tels échanges, par sms aujourd’hui.

 La magie de la conversation, dont on n’entend qu’une seule voix, très « remarquablement » chantée par Caroline Casadesus, induit tout le drame de cet échange que l’on devine et que l’on découvre en même temps. L’harmonie étant portée par un pianiste à la fois sobre et brillant : Jean-Christophe Rigaud. 

La mise en scène est simple mais trouve son originalité en s’accommodant d’un placement des spectateurs qui sont  autour de tables de bistro, pouvant même y être servis ! 

Quelques réserves

- Les thèmes et l’écriture des deux pièces sont d’une simplicité presque banale: on pourrait croire que Cocteau a considéré ceux-ci comme anecdotiques; ou pensait-il à une pièce plus longue, qu’il aurait, un jour, achevé ? 

On a un peu le sentiment d’assister à quelque chose qui ressemble à des essais pour acteurs. Des moments qui demanderaient à ceux-ci de tout donner pour avoir ensuite le rôle dans la pièce entière. 

- C’est quand même la musique qui prend le dessus, au point qu'on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un spectacle destiné d'abord à des mélomanes avertis.

Encore un mot...

Il faut aimer l’art lyrique, Cocteau et Poulenc, pour tenter cette expérience rare, « de théâtre musical ». 

L'auteur

- Jean Cocteau naît en 1889 dans une famille bourgeoise, à Maisons-Laffitte. Il a neuf ans lorsque son père se suicide. Sortant du lycée Condorcet, il publie très tôt ses premiers poèmes et fréquente dans les salons les artistes en vogue : Marcel Proust, les Daudet, Anna de Noailles, Marie Laurencin, Diaghilev et ses Ballets russes pour lesquels il écrit Parade, dont Satie compose la musique et Picasso peint les décors. L’œuvre marque le début du mouvement « surréaliste ». Sa participation à la guerre en tant qu’ambulancier le lie d’amitié avec Apollinaire. Dès 1920, Cocteau se livre à une intense activité artistique, rassemble le Groupe des Six, confrérie musicale dont font partie Darius Milhaud, Honegger, Poulenc..., lance Le Bœuf sur le toit, cabaret illustre où se réunit le Tout-Paris, découvre et révèle Raymond Radiguet. Son œuvre, s’adapte aux hasards des rencontres. Son écriture s’essaie à tous les genres avec toujours pour maître mot, la poésie : romans, pièces de théâtre, films (La Belle et la Bête, Orphée, Le Sang d'un poète) qui comptent parmi les chefs-d’œuvre du cinéma. Il s’inspire de ses interprètes pour leur composer des rôles : Jean Marais, Édith Piaf sa chère amie, qui meurt un jour avant lui. 

Ses dessins, ses peintures, ses sculptures, sa personnalité et son élégance font de lui l’une des figures emblématiques des arts du XXe siècle. Sa grande liberté d’esprit et son originalité, qui le rendent inclassable, ne l’empêchent pas d’entrer à l’Académie française en 1955. 

- Francis Poulenc, né en 1899, est initié au piano par sa mère dès son plus jeune âge. Adolescent, il rencontre Eric Satie, Claude Debussy et Maurice Ravel. Igor Stravinsky le repère lors de la création de sa Rhapsodie nègre en 1917, qui lui ferme simultanément la porte du conservatoire de Paris. Dès lors, délaissant les voies classiques, il se lie avec les artistes d’avant-garde, Jean Cocteau, Max Jacob, Paul Eluard, Guillaume Apollinaire, dont il mettra toute sa vie les œuvres en musique. Intégré au Groupe des Six (dont font partie entre autres Arthur Honegger, Darius Milhaud et Germaine Taillefer), il participe à la composition des "Mariés de la Tour Eiffel", opéra dont le livret est signé par Jean Cocteau, avant de se lancer dans une œuvre personnelle, qui allie spiritualité et fantaisie. 

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