La Visite de la vieille dame
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Thème
Claire Zahanassian, une milliardaire excentrique, revient à Güllen, sa petite commune natale, autrefois prospère, aujourd’hui dans une misère totale. Tous les dignitaires espèrent bien lui soutirer de l’argent. Effectivement, elle propose un don énorme à la ville, mais à la condition que quelqu’un tue Alfred, son ancien fiancé qui l’a éconduite autrefois après l’avoir mise enceinte accidentellement. L’argent aidant, chacun dans la ville essaie de justifier comme il peut cet assassinat, qui finalement aura bien lieu.
Points forts
1) La pièce est une fable noire, un conte amoral où Dürrenmatt nous dit qu’ici-bas, tout s’achète et tout se vend, même la vie d’un homme. Il suffit simplement d’y mettre le prix. Message glaçant, terrifiant car finalement à peine exagéré…
2) C’est la troisième fois que le metteur en scène d’origine colombienne, Omar Porras monte cette pièce. Ce fut son premier spectacle en 1993 lorsqu’il s’installa en Europe, en Suisse exactement. C’est dire l’importance fondatrice de cette « Visite » pour lui et sa compagnie, Teatro Malandro.
Dans son travail, Porras privilégie l’expression du corps et fait jouer ses comédiens avec des masques. Ici, ils sont presque intégraux, seuls la lèvre inférieure et le menton des interprètes apparaissent. Visages et costumes sont burlesques, colorés, déformés, à la manière du peintre belge James Ensor. Ils s’accordent avec la dramaturgie de Dürrenmatt qui revendiquait pour son théâtre une « esthétique du grotesque ».
3) C’est du théâtre de tréteaux, avec une bonne troupe de comédiens soudés, du rythme et de l’énergie, une esthétique cohérente et assumée tant dans les costumes que dans les éléments de décor. Omar Porras est étonnant dans le rôle de la vieille dame, il s’amuse et nous amuse.
Quelques réserves
Le jeu avec le masque a malheureusement ses limites. Difficile de laisser sourdre une émotion, une demi-teinte, une nuance dans le drame, dans la sensibilité. Difficile aussi pour nous spectateurs de prendre totalement au sérieux le propos de la pièce. Parfois même la forme vampirise le texte et son message.
Encore un mot...
Le jeu très corporel de la troupe et les masques outranciers s’accordent bien avec le grotesque de la situation mais filtrent parfois l’émotion et le message de l’auteur.
Une phrase
Qui seront deux:
- Claire Zahanassian à l’Acte I :
« Je vous donne cent milliards, et pour ce prix je m’achète la justice. »
- Et à l’Acte III :
« Le monde a fait de moi une putain ; je veux faire du monde un bordel. »
L'auteur
Fils d’un pasteur, né en 1921, Friedrich Dürrenmatt est un dramaturge suisse-allemand. Jeune homme, il interrompt ses études universitaires pour se consacrer à ses deux passions : l’écriture et la peinture. Son œuvre littéraire (pièces, romans, essais…) est importante et traduite en plus de quarante langues. En 1956, sa pièce « La Visite de la vieille dame » lui apporte la célébrité. Les plus grands la mettent en scène, Peter Brook, Giorgio Strehler, Peter Hands… Quant au rôle-titre, il séduit toujours des comédiennes à forte personnalité : Madeleine Robinson, Edwige Feuillère, Line Renaud, Lauren Bacall ou Ingrid Bergman qui l’interprète au cinéma. Il meurt en 1990 à Neufchâtel, emporté par une crise cardiaque.
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