La Victoire en chantant
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Thème
Les deux dernières guerres en France illustrées par des textes d'écrivains, certains restés célèbres (Apollinaire, Aragon, Alain, Dorgelès, Eluard, Péguy, Tardieu, Aymé...), d'autres trop oubliés (Théodore Botrel, Ariette Humbert-Laroche, Antoine Chollier, Edith Thomas...) et par des chansons dont les airs, pour quelques uns, sont parvenus jusqu'à nous (La Madelon, le Chant des partisans, Excellents Français...) et d'autres pas. A ces éléments parlés et chantés, sont ajoutés sur écran quelques documents d'époque filmés, des bruitages et des lumières.
L'affiche de mobilisation générale du 2 août 14 lance le spectacle dans un décor de sacs de jute. Tous les épisodes de ces deux guerres ne peuvent évidemment pas être évoqués, l'objectif étant plutôt de rappeler l'ambiance, la souffrance des soldats et celle des civils qui, chacun à leur manière, tentent de survivre.
Points forts
- Sur scène, la petite troupe de la Compagnie Acquaviva, 4 hommes et 4 femmes, se montre sympathique, talentueuse, chacun se donne à fond par le chant, le mime, la danse, le récitatif. Rien à leur reprocher, on peut même féliciter ces jeunes comédiens de prendre le relais du souvenir.
- Intéressant de découvrir des textes oubliés ou méconnus, en prose, en vers ou en musique, qui, tous, par leur force, démontrent que l'écriture est une arme quand elle use d'une vraie liberté de ton avec des mots crus, virulents, réalistes. Cela donne envie de les relire.
- Il y a de l'humour (Le salut du Poilu, Je suis commandant, la Mode... ) et de l'émotion (lettres de condamnés à mort, de Michel Manouchian), des moments tragiques et des pauses plus joyeuses.
- Utile et bienvenu de rappeler, par ce spectacle, que depuis 70 ans, après (ou grâce à) trois générations sacrifiées, l'Europe, en grande majorité, vit en paix...
Quelques réserves
- Un choix est toujours subjectif. On peut donc être surpris de voir figurer des textes manifestement parus avant la guerre de 14, telle la Lettre à Paul Déroulède par Alphonse Allais (au demeurant fort amusante, datant de 1885) ou entendre fredonner La Veuve joyeuse (dont le livret est paru en 1905). A l'inverse, il manque quelques auteurs majeurs tels Maurice Genevoix pour 14-18 ou Marc Bloch pour 39-45.
- Faut-il le reprocher ? Tout cela reste totalement hexagonal. A peine si l'on propose une brève excursion chantée sur les rives de la Tamise et celles du Rhin. Quant au reste de monde, la Pologne, le Front russe, les Balkans, le Moyen Orient et les Alliés, ils sont totalement passés sous silence. On laisse penser, une fois de plus, qu'au cours de ces conflits mondiaux, la France et les Français furent les plus malheureux et les plus valeureux...
- Beaucoup de clichés (les "politiques" ? des embusqués ; les gros s'en tirent, les truffions paient...), d'images sans surprise (Nazis, miradors, Hiroshima) sans parler de l'inévitable fond sonore wagnérien qui n'a en vérité rien à faire ici. On préfère l'accompagnement de l'accordéon.
- Sur le programme remis avant la séance (bonne idée mais dans le noir, impossible à lire, on passe son temps à se demander qui est l'auteur du texte proposé sur scène !), on remarque plusieurs noms mal orthographiés : Gabriel Chevalier (un l au lieu de 2), Paul Déroude (au lieu de Déroulède), Tu le r'verra Panam (sans s et sans e), Jules Romain (sans s final), etc... Ce sont des détails mais ils indisposent. On nous annonce plusieurs auteurs célèbres, Claudel, Camus, Queneau... où figurent-ils dans ce programme ?
- Raccourcir d'une vingtaine de minutes n'aurait sans doute pas nuit à l'ensemble.
Encore un mot...
Bien monté, bien joué, ce spectacle est un divertissement, il n'y faut pas chercher un documentaire d'Histoire même si tous les éléments proposés ont bel et bien existé.
Au final, qu'apprend-on ? Qui ne sait qu'en 14, on partit "la fleur au fusil" avant l'horreur des tranchées ? Qui ignore l'exode et les camps d'extermination ? Ne faut-il pas craindre que les plus jeunes imaginent que "la guerre est jolie", selon la formule d'Apollinaire ?
Une phrase
"Ca commence comme une fête, la guerre".
L'auteur
Et, en même temps, metteur en scène.
Raymond Acquaviva, né en Corse en 1946, a commencé sa carrière comme comédien classique, notamment en entrant en 1973 à la Comédie française où il interpréta une trentaine de pièces du répertoire. Plusieurs scènes de province l'ont accueilli. Il a commencé la mise en scène à Avignon en 1984, en poursuivant parallèlement une carrière de professeur -plusieurs grands acteurs et actrices actuels ont bénéficié de son enseignement- et il a finalement créé sa propre troupe. Il avait déjà monté en 2015 Guerre et Chansons, avec le même assistant, Quentin Morant (membre de la troupe). La Victoire en chantant semble reprendre les mêmes éléments.
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