La Révolution française
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Thème
Tout commence au pied de la Bastille, « grand moment » qui voit se répandre le « premier sang. » Puis, en une chronologie choisie, Maxime d’Aboville fait le récit des événements de la Révolution française : nuit du 4 août, journées d’octobre et retour de la famille royale à Paris, fuite du roi en juin 1791 et arrestation à Varennes, entrée en guerre, manifeste de Brunswick, prise des Tuileries, Valmy et son moulin, abolition de la Monarchie, procès et exécution de Louis XVI, guerres de Vendée, arrestation des Girondins, assassinat de Marat, Terreur, procès et exécution de Danton, fête de l’Être suprême et, le 9 thermidor, l’arrestation de Robespierre et Saint-Just et leur exécution.
Points forts
La construction de ce récit donne un ensemble d’une belle harmonie. Les coutures du montage entre les textes sont invisibles et, hormis quelques ruptures de style, on ne perçoit pas le passage de l’un à l’autre.
L’interprétation de cet homme seul sur une vaste scène sombre où jouent de savants éclairages, avec sa modeste blouse grise, n’est pas moins impressionnante : concentrée, grave et pleine de force sans criailleries, d’impétuosité sans hystérie.
Quelques réserves
C’est une lecture de la Révolution française un brin didactique, dont l’auteur-interprète ne dissimule pas qu’elle lui est propre. En saisissant l’événement dans sa dimension dramatique, comme un mythe dit-il, une épopée, il donne à voir ses aspérités et son relief.
Mais dans cette perspective, il fait des choix, en insistant sur la peur qui règne et le massacre. L’auteur nous dit « la transe continuelle » dans laquelle vit le couple royal après son installation aux Tuileries, les 116 prêtres du couvent des Carmes exécutés pendant les massacres de septembre, le supplice de la princesse de Lamballe, amie de Marie-Antoinette, la dernière lettre évidemment poignante de la reine, dressant ainsi une fresque partielle et partiale de la Révolution.
Mais il y a plus grave. Certes, il y a la grandeur de Danton et l’humanité de Dumouriez, mais Valmy est une victoire qui ne serait due qu’au recul de Brunswick, Marat est présenté comme un monstre au sourire batracien, la terreur comme une « épidémie. » Le peuple, sauf au début et sous la plume de Dumas, a les traits d’une foule menaçante au point qu’on se demande où est Michelet, lui qui voulait donner une voix à ceux qui ne laissent pas de traces dans l’histoire, le peuple de la Bastille et des faubourgs… Que les massacres perpétrés en Vendée à la suite du décret d’extermination se sont accompagnés d’horreurs symétriques, les atrocités des uns répondant aux atrocités des autres, n’est pas rappelé non plus.
Encore un mot...
Quitte à recevoir une leçon d’histoire - et le théâtre ne s’y prête pas si mal, qui pratique souvent le genre - souhaitons-la, si ce n’est complète, au moins équilibrée. Celle-ci compte des quantités d’exécutions, d’horreurs, de sang versé, au risque de faire croire que la révolution ne fut que cela… un épisode plein de bruit et de fureur.
Est-on fondé à ne rien dire de la transformation radicale et profonde qu’elle a provoquée, de la promesse d’égalité dont elle était porteuse, de l’immense travail accompli par les assemblées successives et du “capital“ institutionnel, administratif et philosophique ainsi légué à la France sonnant son entrée dans une modernité émancipatrice. La Révolution ne prête certes pas à rire, mais doit-elle réellement nous affliger ?
Un spectacle qui occulte à ce point l’existence de cet état de droit qu’enfanta la Révolution est pour le moins politiquement et historiquement problématique, et à tout le moins réducteur.
Une phrase
« 100 000 hommes jettent une immense clameur, cette clameur s’élève sur Paris et s’élance sur la France comme un aigle aux ailes rapides. La Bastille est prise ! » (Alexandre Dumas, Ange Pitou, 1850)
« Le général Westermann en Vendée : J’ai écrasé les enfants sous les pieds de nos chevaux, massacré les femmes qui au moins celles-là n’enfanteront plus de brigands. J’ai tout exterminé. Nous ne faisons pas de prisonniers car il faudrait leur donner le pain de la liberté et la pitié n’est pas révolutionnaire. »
- A propos de Charlotte Corday : « Le sublime en elle pourrait être de nature. » (Jules Michelet, Les femmes de la Révolution, 1854)
L'auteur
On ne présente plus Alexandre Dumas, Jules Michelet, Alphonse de Lamartine et Victor Hugo qui, convertis plus ou moins précocement à la République, se firent historiens plutôt acquis à la Révolution française. Les pages qu’ils ont laissé à ce sujet sont à la fois superbes et inoubliables au point qu’elles servent encore de références aux historiens.
Deux fois couronné par un Molière du comédien, Maxime d’Aboville montre ici qu’il sait lire les textes et composer un ensemble fascinant d’une grande cohérence.
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