A la recherche des canards perdus
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Thème
En septembre 2008, la NASA jette 90 canards en plastique jaune dans un glacier du Groenland (le Jakobshavn), comptant sur les courants sous-glaciaires pour les récupérer quelques semaines plus tard dans la baie de Disco.
Il s’agissait ce faisant de mesurer la vitesse d’écoulement du glacier sur le substrat rocheux, et d’apprendre ainsi un certain nombre de choses sur la vitesse du réchauffement climatique dans l’Arctique… Las ! On n’a jamais revu les canards, nulle part, alors qu’ils sont réputés indestructibles …
Toutes les questions - pourquoi la Nasa a-t-elle communiqué sur une expérience ratée jusqu’à il y a un an ? - et toutes les hypothèses possibles sont posées, y compris celles auxquelles on ne saurait penser, comme :
un bouchon de canards dans une galerie intraglaciaire ;
un blocage dans un lac sous glaciaire ;
un emprisonnement dans la partie immergée d’un iceberg ;
le coma éthylique des pêcheurs… ou leur mutisme comme acte de résistance politique ;
le passage des canards durant l’absence des touristes « de fin du monde » ;
Telles sont les points examinés d’une manière systématique, rigoureuse et hilarante à l’aide d’un grand écran présentant des documents scientifiques et des images satellites, et les scansions de la progression de la démonstration.
Points forts
Le travail sur la forme de la conférence est parfaitement abouti : du Powerpoint kitsch à la fièvre du débit haletant de l’orateur en passant par ses hésitations, comme s’il s’agissait d’une improvisation, et sa méthode fondée sur une série d’hypothèses logiques et de conclusions absurdes.
Frédéric Ferrer est un conférencier résolument loufoque et pertinent. L’auteur, ne renonçant pas aux truchements pédagogiques traditionnels, utilise également un tableau blanc sur lequel il dessine fébrilement pour imager son propos.
Drôle et scientifique, cette performance résultant d’un travail de fond avec des scientifiques, glaciologues et spécialistes du monde arctique, est menée tambour battant comme un conte plein de suspense.
Elle ne se contente pas d’être hilarante et informée. En avançant pas à pas et en montrant l’inanité de certains raisonnements comme de l’expérience elle-même, elle aboutit, via un certain nombre de révélations (la base américaine de Camp century proche de Thulé désormais fermée, mais qui a abandonné en partant 200 000 litres de fuel et de produits chimiques qui polluent la banquise) à une conclusion géopolitique explosive, à la fois sidérante et désespérante.
Quelques réserves
- Aucune, on l’a compris.
Encore un mot...
C’est du théâtre du vrai, imaginé et mis en œuvre par quelqu’un qui s’intéresse au monde dans lequel il vit, et qui met au jour l’absurdité ou l’hypocrisie d’expériences scientifiques servant à bien autre chose qu’à documenter le dérèglement climatique. Car la réalité du terrain est toujours différente des modélisations, et souvent pire…
Une phrase
« … D’où l’idée de jeter des canards. Alors pourquoi des canards ? D’abord c’est beaucoup moins cher qu’une sonde. Un canard ça coûte à peu près un dollar, ça permettait déjà, premièrement de faire des économies et puis, surtout, le nombre des canards jetés, donc ils en ont jeté 90 (ca permet de multiplier les chances de les retrouver) et afin que les personnes qui potentiellement pourraient retrouver un canard sachent que ce canard fait partie d’une expérience (parce qu’il faut le savoir. A priori si vous retrouvez un canard vous ne pensez pas du tout à une expérience scientifique), une étiquette a été collée dessus avec un contact téléphonique, un contact mail et une récompense de 100 dollars. »
L'auteur
L’ex-géographe, metteur en scène et comédien, Frédéric Ferrer est Chevalier des Arts et des Lettres et Lauréat de l’Aide à la création dramatique du Centre National du Théâtre.
Après avoir créé son premier spectacle en 1994 avec Liberté à Brême de Rainer Werner Fassbinder puis écrit et conçu de nombreux spectacles dans lesquels il interroge notamment les figures de la folie (Apoplexification à l’aide de la râpe à noix de muscade et Pour Wagner), il s’intéresse désormais aux dérèglements du monde, à travers quatre cycles de créations, dont l’Atlas de l’anthropocène, série de de cartographies théâtrales des bouleversements du monde, entamé en 2010 avec A la recherche des canards perdus.
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