La Rafle du Vel d’Hiv

Un moment fascinant de mémoire partagée.
De
Philippe Ogouz
d’après les livres de Maurice Rajsfus ( « Opération Etoile jaune », « Chronique d’un survivant », et « Rafle de Vel d’Hiv »)
Mise en scène
Philippe Ogouz
Avec
Philippe Ogouz, Paul Predki à l’accordéon
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de la Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
75018
Paris
01 42 33 42 03
Jusqu'au 11 novembre: Du mercredi au samedi à 19h

Thème

Un petit garçon qui avait alors 14 ans et habitait Vincennes se rappelle ces jours de juillet qui firent sombrer dans l’horreur et l’inhumanité 13.000 juifs, avec une rafle et un enfermement dont très peu sortirent vivants. Lui eut la chance de pouvoir y échapper avec sa sœur. Il se souvient, par la voix de Philippe Ogouz, qui commente : "Les mots ne crient pas, ne chantent pas, ne mentent pas, il disent."

Points forts

1 - La force du récit, qui parvient à restituer à la fois la candeur de l’enfance et la puissance de sa révolte. Une époque douloureuse, avec cette rafle abominable, toujours enkystée dans le cœur de la France, comme une sorte d’abcès qui ne guérit pas.

2 - Maurice Rajsfus, dont ce sont les souvenirs, n’est pas un idéologue. Il est acteur, victime et témoin. Il sait que des gens comme la concierge de son immeuble se sont mal conduits ; il y eut de tous temps des « Thénardiers » profiteurs de la misère ; il accuse la police nationale et le regard gêné de l’un des  agents qu’il connaissait,  mais il rappelle aussi, que nombre d’entre eux étaient venus prévenir à l’avance ce qui se tramait et qui paraissait incroyable : ( j’ai eu personnellement des témoignages de jeunes juifs rescapés de cette horreur qui m’ont raconté comment des policiers étaient venus à leur domicile les prévenir, et comment les parents avaient refusé de croire à l’impensable). Combien de justes ne se sont jamais faits reconnaître depuis cette abomination ! 

3 - 13.000 juifs furent mis en détentions et envoyés dans des endroits maudits dont on ne revenait pas. Mais il faut noter que les allemands espéraient mieux, puisque quelques 26.000 étaient alors recensés. Il est important pour la collectivité, et ça Maurice Rajsfus le mentionne, de dire qu’il y eut des gens pour sauver ceux qui n’avaient pas été pris dans cette nasse infâme. 

4 - J’ai aimé l’objectivité grave et douloureuse de l’auteur qui n’hésite pas à mentionner les coupables, qui pour l’essentiel, ne furent jamais punis. 

5 - On sent que Philippe Ogouz, grand comédien, met tout son cœur dans ce récit. Il nous fait vivre ces moments où la grande Histoire rejoint les petites anecdotes de la vie, les chaussures qui font mal aux pieds, les vêtements chauds conseillés en pleine chaleur de l’été, et cette innocence de l’enfance qui ne comprend pas tout de suite ce qui se passe.  

C’est surtout magnifique quand il évoque sa mère, à l’instant où il est annoncé que, par décision des autorités françaises, les enfants nés en France, donc français, peuvent quitter leurs parents et sortir de cet enfer du Vel d’Hiv, dont il nous fait partager les horreurs. La détresse de cette mère, la mère de l’auteur, qui ressent instinctivement que la survie est possible pour ses enfants, et qu’il faut les éloigner en dépit de cet arrachement des cœurs, est bouleversante. 

6 - J’ai aimé l’apport de la musique jouée en direct par l’accordéon de  Paul Predki, qui démarre sur des refrains populaires et joyeux de la communauté juive et finit sur un chant des partisans désaccordé.

Quelques réserves

J’en ressens un. Là, c’est une réaction de femme de théâtre que j’ose exprimer. Philippe Ogouz a fait lui-même la mise en scène, et c’est peut-être dommage. Je pense que s’il avait pris le principe du récit, et c’en est un, il eût pu être assis, devant une petite table, simplement face au public, pour lui raconter ce témoignage, les yeux dans les yeux, avec l’accordéoniste installé dans son coin et envoyant ses ponctuations musicales. J’ai l’impression que l’ensemble en aurait acquit plus de force. J’avoue que l’on se perd un peu dans ses déambulations constantes.

Encore un mot...

Ce n’est pas vraiment du théâtre, mais c’est un moment fascinant de mémoire partagée, grâce au témoignage brûlant de vérité, d’un enfant de 14 ans qui a vécu ces horreurs et leurs suites. Cette mémoire est fondamentale.

Une phrase

Un mot de l’auteur : "J’ai 14 ans, j’habite Vincennes. Je suis élève au collège situé à l’Ecole du Nord, rue de la Liberté. J’ai appris à lire à l’Ecole de l’Ouest, rue de l’Egalité. Il y a aussi une rue de la Fraternité à Vincennes. Lorsque la rafle s’est produite, je venais d’avoir 14 ans."

L'auteur

Maurice Rajfus, qui a vécu cette rafle dont ses parents ne sont jamais revenus, est devenu écrivain, journaliste, historien et militant. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans lesquels il a abordé les thèmes du génocide des juifs en France. C’est à partir de trois livres : « Opération étoile jaune» ( Le cherche Midi) « La rafle du Vel d’Hiv » (P.U.F) et « Chroniques d’un survivant » (Noesis) que Philippe Ogouz a réalisé l’adaptation.

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