LA PUCE A L'OREILLE
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Thème
Raymonde, jeune femme inquiète de la fidélité de son époux et avec la complicité de son amie Lucienne mariée à un bouillonnant américain du sud, s’engage dans une aventure abracadabrantesque. Elle fait écrire à son mari Victor-Emmanuel Chandebise une lettre lui donnant un rendez-vous à l'hôtel du Minet galant. Ce dernier, surpris quand il reçoit cette missive parfumée, y envoie Tournel, son associé. Raymonde pensant y retrouver son mari, tombe sur Tournel. Tous deux seront sidérés de découvrir dans cet hôtel le mari, Chandebise, transformé en garçon d'étage alcoolique, ainsi que d'autres surprises de taille. Les quiproquos vont se succéder dans l’affolement général, sans oublier le neveu Camille qui ne sait pas prononcer les consonnes et que personne ne comprend.
Points forts
- Les comédiens ; ils déploient, même s'ils sont résolument distribués à contre emploi, leur talent bien connu dans la Maison de Molière. Certains d'entre eux, je pense à Jérémy Lopez, à Sébastien Pouderoux, à Birane Ba, vont jusqu'à faire des exercices d'équilibristes hallucinants. La remarquable Cécile Brune finira emberlificotée dans les guirlandes d'un sapin de noël, sous le regard du patron de cet hôtel coquin, joué par Thierry Hancisse, (vous avez bien lu : Thierry Hancisse, l'un des plus grands tragédiens de la maison). Les jeunes femmes se font secouer, bousculer, traîner par terre, bref, l'aventure prend des airs de salle de gym en déroute, le tout dans un décor de chalet de montagne du milieu des années 1960.
- Je précise que Serge Bagdassarian, peu convainquant dans son rôle de grand patron d'une société internationale d'assurances, alors qu'il est gai et charmeur comme un entrepreneur de Pompes funèbres, face à Raymonde son épouse si jalouse, devient irrésistible quand il joue le rôle de son sosie « Poche » le garçon d'hôtel alcoolique, à l'origine de l'essentiel des quiproquos.
- Une grande partie de la salle adhère. Il semble que la presse soit elle aussi enchantée ; mais j'ai vu des spectateurs qui, comme moi, n'ont guère ri. Il paraît évident qu'il serait de bon ton d'avoir aimé ; mais à Culture-Tops, « On doit appeler un chat, un chat. ».
Quelques réserves
- J'avais déjà noté la volonté de décalage de Lilo Baur dans « Après la Pluie » de Sergi Belbel. Ici, on le comprend en lisant le programme offert généreusement à chaque spectateur, elle a voulu distribuer résolument à contre emploi. Elle a fait visionner aux comédiens des films de Tex Avery, mais s'est surtout focalisée sur « La Panthère Rose » (1963) le film de Blake Edward dont elle fait ici une sorte de remake façon Feydeau.
- La pièce fut écrite en 1907 par un auteur génial, noceur célèbre de la fin du 19ème siècle. Le Théâtre de Feydeau marque une période très différente de celle des années 1960 où la libération des femmes est déjà en marche ; Lilo Baur était sans doute trop enfant à l'époque, pour l'avoir perçu. Je me suis repassé, en rentrant, des extraits de la pièce dans des montages plus traditionnels : elle fonctionne et l'on rit de bon cœur (je cite dans le désordre : Brialy, Le Poulain, Pierre Mondy, Belmondo).
Encore un mot...
Personne ne force personne à monter Feydeau ! Alors pourquoi tenter de lui faire dire autre chose que ce qu'il a si bien su nous dire et nous montrer ? Pourquoi ne pas simplement faire confiance à la pièce et à sa force ? Quitte à paraître candide, cela m’a fait penser à l'enfant du conte d'Andersen voyant passer le « Roi nu »… J'espérais tant de bonheur en venant l'autre soir au Théâtre Français....et je suis sortie en disant : « Feydeau ! Réveille-toi ! Ils sont devenus fous !
Une phrase
« Raymonde s'agenouillant devant Poche : " Oh ! Je te demande pardon... Je croyais que tu me trompais. »
Poche : « Moi ! »
Raymonde : Ah ! Dis-moi, dis-moi que tu me crois, que tu ne doutes pas de ma parole. »
Poche : « Mais oui ! Mais oui ! (se tordant et descendant à la face) Mais, qu'est-ce qu'ils ont ?
Raymonde reculant effrayée par ce rire idiot qui lui semble sardonique et avec énergie : « Ah ! Je t'en prie, Victor-Emmanuel, ne ris pas comme ça, car ton rire me fait mal. »
Poche à qui l'injonction de Raymonde a coupé le rire : « Mon rire ? »
Raymonde revenant à lui : « Ah oui, je vois, je vois que tu ne me crois pas. »
Tournel : « C'est pourtant l'évidence même. »
Raymonde : « Ah ! Mon Dieu, comment te convaincre ? »
Poche brusquement se levant et redescendant en scène : « Ecoutez, je vous demande pardon, mais il faut que j'aille porter ce vermouth au 4. »
Raymonde qui est descendue à sa suite, le faisant pivoter par le bras et l'amenant face à elle : « Victor-Emmanuel, qu'est ce que tu as ? »
L'auteur
Georges Feydeau (1862-1921) a consacré l'essentiel de sa vie au théâtre. Il est le roi du quiproquo ; ses personnages se télescopent dans des situations cocasses : c'est le règne du vaudeville, de ce monde d'avant 1914, dont le public adore aller rire. Parmi ses grands succès : « Le Dindon » « La Dame de chez Maxim's », « Hôtel du libre échange », « Occupe-toi d'Amélie... La force de son écriture réside dans une précision d'horloger, il donne toutes les indications scéniques. Sacha Guitry qui fut son grand ami disait : « Georges Feydeau a le pouvoir de faire rire infailliblement, mathématiquement, à tel instant choisi par lui et pendant un nombre défini de secondes. »
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