La Peste
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Thème
On n’a pas oublié le texte de Camus. A Oran, cette préfecture algérienne active mais sans charme, au cours d’un printemps de la décennie 1940, le docteur Rieux assiste impuissant à l’agonie massive de rats, puis à celle de Michel son concierge. Il comprend vite qu’il a affaire à une épidémie de la plus terrifiante espèce puisqu’il s’agit de la peste. Après de longs atermoiements, l’administration place la ville en quarantaine, ses habitants vivant un emprisonnement marqué par la séparation, la solitude, le rationnement et la spéculation. Ce fléau qui touche une collectivité la dissout dans une sorte d’exil intérieur dénouant tous les liens. « Personne ne pouvait espérer l’aide du voisin ». Les 500 morts hebdomadaires sonnent le glas de la décence, des grands sentiments et des jugements de valeur, et l’avènement des fosses communes et des violences. Cependant, le Docteur Rieux continue de se battre contre le fléau, soignant inlassablement des incurables. Enfin la maladie reflue, laissant derrière elle le silence de la défaite et une allégresse peut-être fallacieuse parce qu’on la sait désormais toujours menacée.
Points forts
- l’audace : monter la Peste après la création à la Porte Saint-Martin en 1989 qui valut à Francis Huster une double nomination aux Molières, C’était un véritable défi.
- Le texte, bien sûr, malgré les coupes, qui a conservé toute sa force dans sa clarté et sa sobriété.
- la ravissante petite salle du théâtre, cave voutée éclairée avec soin et qui installe un climat d’intimité propice au partage des émotions.
- l’introduction musicale (le trio op 100 de Schubert).
Quelques réserves
- On ne peut que déplorer le parti pris du comédien-metteur en scène d’offrir un monologue parfaitement statique à tous points de vue.
- Cette fixité concerne la mise en scène, puisque pendant l’essentiel de la pièce le narrateur est assis derrière un étroit bureau, mais elle affecte surtout sa diction, sorte de mélopée ronronnante, fluide et atone qui, ménageant quelques suspens injustifiés au mitan des phrases, aplatit le texte, le neutralise et le vide de sa substance. On n’est plus au théâtre, on assiste à un cours distillé devant une une classe assoupie. On cherche le jeu, qui donnerait mouvement et grâce à ce texte et on s’asphyxie dans cette proposition presque scolaire qui réduit la Peste à une assez plate allégorie sur le nazisme et l’occupation.
Camus, à qui on a assez reproché d’être un philosophe pour classe de terminale, méritait mieux que cela.
Encore un mot...
Dans la microscopique petite salle du théâtre des Déchargeurs, Nordine Marouf, seul en scène, nous convie à un tête à tête étouffant. Le docteur Rieux raconte à la première personne et à l’imparfait (ce temps « lourd » du temps qui dure, quand le passé simple du roman donnait du rythme au récit), cette terrible parabole qui dénonce à la fois les effets dévastateurs du totalitarisme et l’absurdité de l’existence humaine.
Ayant pratiquement éliminé, et non sans dommage pour la pièce, les autres protagonistes du drame et les péripéties secondaires, l’acteur porte à lui seul la charge de ce récit à l’humanisme sceptique et lucide, s’interrogeant sur ce qu’il convient de faire de cette attente qu’on appelle la vie. Mais, tel quel, le spectacle perd de vue l’essentiel de ce qui fait la force du texte : suggérer qu’il s’agit peut-être simplement « de faire son métier d’homme sans certitude de réussite et sans promesse de salut » (Jean Daniel), c’est-à-dire de se battre contre la souffrance humaine.
Une phrase
« Je savais ce que cette foule en joie ignorait (...), que le bacille de la peste ne meurt et ne disparait jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »
L'auteur
Nul doute que la publication de la Peste en 1947, ce premier grand succès de librairie de son auteur, a été décisive dans l’attribution du prix Nobel à Camus - jeune écrivain prometteur de 44 ans- 10 ans plus tard.
Metteur en scène et comédien, Nordine Marouf qui a été formé au cours Florent, a fondé en 2009 la compagnie des Molières et, à Angers, son propre cours d’Art dramatique. Il a mis en scène, adapté et joué des textes d’Eric Emmanuel Schmitt, de Khalil Gibran, et a inauguré en 2013 son dialogue avec Albert Camus en montant l’Etranger au Guichet Montparnasse.
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