LA MENAGERIE DE VERRE

Nous publions une seconde chronique sur cette pièce, qui complète la première, parue la semaine dernière. Il nous restera toujours quelque chose de Tennessee : l’émotion
De
Tennessee Williams
Mise en scène
Ivo van Hove
Avec
Isabelle Huppert, Justine Bachelet, Cyril Gueï, Antoine Reinartz
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Odéon-Théâtre de l’Europe
2 rue Corneille
75006
Paris
01 44 85 40 40
Du 25 novembre au 22 décembre 2022 – du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h

Thème

  • La ménagerie de verre est une pièce sur le souvenir, sur la mémoire fantasmée, sur la perception de la vie intérieure de personnages confrontés à un monde en crise, crise économique et sociale des années trente, dans le Sud des Etats- Unis.
  • C’est un huis clos,  l’histoire autobiographique de l’enfermement d’une famille fusionnelle : la mère, Amanda, possessive et prisonnière de son passé  et de ses rêves (Isabelle Huppert), sa toute jeune fille Laura, doublement handicapée ; son grand frère Tom,  le narrateur, qui travaille dans une fabrique de chaussures portant la famille à bout de bras mais qui cherche sans cesse à s’en échapper. Puis survient Jim, convié à diner. C’est un invité de Tom sur un malentendu qui va se révéler douloureux pour Laura et catastrophique pour Amanda qui espérait tant ! 
  • Au-dessus  plane l’image du père qui est parti, abandonnant sa famille à son triste sort. Et, au fond, un accessoire de décor essentiel : les marches d’un escalier de  secours, un “fire escape“ comme il en existe à l’extérieur de chaque immeuble de briques aux E.-U. : est-ce un mirage ou  le chemin vers la liberté ? A chacun sa destinée !

Points forts

  • Un argument d’une simplicité extrême et d’une facture classique, d’où ressort avec acuité la psychologie complexe de chacun des personnages et leur fragilité. A commencer par la personne de Laura, qui va se réfugier toujours plus loin dans un monde imaginaire qu’elle a failli quitter un instant au contact de Jim. La collection d’animaux miniatures en verre de Laura est une très émouvante métaphore de cette fragilité.
  • Le jeu d’ Isabelle Huppert dans le rôle d’Amanda. Oscillant entre hyperactivité et profond désespoir, jouant à merveille une scène de quasi hystérie sur les premières marches du fire escape tout en affichant un sang-froid  extraordinaire devant une certaine révélation dramatique, “Madame Huppert“ fournit un parfait  exemple de bipolarité artistique. Jim, joué par Cyril Gueï, est excellent lui aussi. L’effet de surprise est total à l’annonce de ses engagements. On avait beaucoup vu et apprécié Cyril Gueï à la télévision dans la série Les petits meurtres  d’Agatha Christie, avec Samuel Labarthe.

Quelques réserves

  • Le personnage de Tom ne possède pas toute l’épaisseur nécessaire pour ce rôle important (narrateur et acteur témoin). Peut- être parce qu’il est toujours entre deux  et sur le chemin du départ, sa voix a-t-elle un peu trop tendance à s’échapper elle aussi !
  • De manière générale pendant toute la première partie, les personnages n’occupent sans doute pas assez “le devant de la scène“ (qui est profonde) , et la mise en scène (trop ?) sobre ne permet pas au souffle du Sud de s’exprimer. 
  • On aimerait retrouver dans La Ménagerie un nouveau Raf Vallone, celui qui autrefois illuminait Vu du Pont

Encore un mot...

  • Avec cette pièce, sa septième, Tennessee  Williams a connu le plein succès  C’est une œuvre autobiographique (père absent, petite sœur déficiente physiquement, maladivement timide et si fragile, finalement contrainte à subir une lobotomie).  
  • A l’instar des membres de sa propre famille désargentée et meurtrie, les personnages de La Ménagerie, inadaptés, défavorisés ou marginaux veulent se battre, veulent s’en sortir comme Jim et peut être Tom. Dans un entretien, Tennessee Williams confiait la décrépitude de leur logement à Saint Louis, « aussi gai qu’un hiver de l’Arctique ». La petite chambre de sa sœur donnait sur une ruelle où se battaient toute la nuit chiens et chats, jusqu’à la mort.  Il y régnait, dit-il « une atmosphère crépusculaire perpétuelle ».
  • Le souvenir de cette chambre  misérable a hanté l’auteur, et tout particulièrement « le souvenir émouvant des petits sujets de verre sur les étagères, ces petits animaux qui symbolisaient dans ma mémoire les sentiments les plus tendres attachés au souvenir du temps perdu, ces petits riens qui adoucissent l’austérité de l’existence et la rendent supportable aux êtres sensibles. »

Une phrase

Jim : « Maintenant à vous, Il n’y a pas quelque chose qui vous intéresse plus que tout au monde ?
Laura : Eh bien oui, comme je vous le disais, j’ai ma collection de verre
Jim : Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris ! C’est quoi comme verre ?
Laura : des petits objets décoratifs, des bibelots principalement ! Surtout des petits animaux en verre, les plus petits animaux du monde. Maman appelle ça une ménagerie de verre ! Tenez en voilà un, si ça vous dit de le regarder ! C’est l’un des plus anciens. Ca fait presque treize ans que je l’ai.
Jim : C’est quoi comme animal ?
Laura : Vous n’avez pas remarqué la corne qu’il a au front ?
Jim : Une licorne, c’est ça ? »

L'auteur

  • American play writer et screen writer, Tennessee Lanier Williams III, dit “Tennessee Williams“, naquit à Columbus (Mississipi) et mourut à New York en 1983, dans une chambre d’hôtel, quasi oublié. 
  • Entretemps, il avait connu la gloire dès 1944 avec La Ménagerie de verre et plus encore en 1947, avec Un tramway nommé désir. Il écrit et monte ensuite La Chatte sur un toit brulant, ces deux pièces remportant chacune le prix Pulitzer,  puis Soudain l’été dernier et La Nuit de l’Iguane. Elia Kazan réalisera Un tramway nommé désir avec Marlon Brando et La Chatte sur un toit brûlant avec Elisabeth Taylor. Joseph Mankiewicz portera Soudain l’été dernier à l’écran, John Huston tournera La Nuit de l’Iguane, et Sydney Lumet mettra en scène l’Homme à la peau de serpent avec Marlon Brando. Que du bonheur !
  • Ce ne fut sans doute pas toujours le cas de la vie de Tennessee, dont la grande sœur Rose (le modèle de Laura), atteinte de schizophrénie, dut être internée à son grand désespoir. Réputé l’un des trois plus grands auteurs dramatiques américains avec Arthur Miller et Eric O’Neill, Tennessee Williams, poète de la solitude, écartelé entre le rêve et la réalité, se réfugia dans une vie parallèle et addictive,  conséquence d’une  confrontation entre son homosexualité, ses thèmes de prédilection créative  et sa foi soudainement révélée dans la cathédrale de Cologne.
  • Michel Berger et notre Johnny national lui ont dédié une de leurs plus belles chansons : Quelque chosede Tennessee.

Commentaires

RIVAUD
dim 18/12/2022 - 18:57

Bien sûr l'irlandais noir est très crédible !.....

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