La magie lente

Une expérience dérangeante et éprouvante, mais percutante et efficace
De
Denis Lachaud
Mise en scène
Pierre Notte
Avec
Benoit Giros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de la Reine Blanche
2 bis, passage Ruelle
75018
Paris
0140050696
ATTENTION: DERNIERE, LE 23 DECEMBRE

Thème

Louvier (Benoît Giros), un homme gravement perturbé par ce qu’il dit être des « hallucinations », prend rendez-vous - peut-être par acquis de conscience, certainement par excès de souffrance – avec le Dr Quemener (Benoît Giros, toujours).

Devant lui, il n’hésite pas à s’auto-diagnostiquer schizophrène, dans le droit fil des conclusions du psychiatre qui le suit depuis dix ans, apparemment sans grand succès.

Débute alors un travail qui, à mesure que les « hallucinations » sont reformulées en « pensées » et « schizophrénie » plutôt en « bipolarité », conduit Louvier à lever le déni qui l’écrase et à toucher aux racines de ce qui l’empêche de vivre…

Points forts

• La performance de Benoît Giros qui, seul en scène, campe tour à tour le psychiatre, le patient et le narrateur.

• La force d’un texte, qui captive le public mais sait aussi le mettre mal à l’aise, et ce délibérément, car il s’agit bien de remuer le public.

• Des vertus civiques et sociétales évidentes : la pièce est un plaidoyer en direction de la profession pour une éthique de l’analyse et une vigilance constante des analystes, et du grand public, tant il est vrai que « Les enfants ne disent rien tant qu’on ne leur pose pas de question »…

Quelques réserves

(Les points suivants sont plus sujets à discussion que des défaillances à proprement parler).

• La question centrale soulevée par La magie lente – la restitution d’une analyse cernant progressivement un trauma majeur – est celle de la nécessité d’une adaptation théâtrale et du dispositif pour l’accomplir. En effet, la pièce se trouve pratiquement dépouillée de tout effort – superflu – de soulignement artificiel de la force du texte par le décor, la gestuelle, bref de la plupart des attributs de l’illusion du réel qui font que le théâtre est un spectacle qui ne cadre pas exactement avec la réalité.

• Dans ces conditions, autant être prévenu : peut-être s’agit-il d’un spectacle, mais certainement pas d’un divertissement, plutôt une expérience éprouvante. En effet, le texte est fidèle à l’économie générale d’une cure analytique, avec pour contreparties la répétition/ressassement de motifs identiques, et surtout une grande crudité dans l’expression et les mots décrivant des situations, ce qui peut heurter certaines sensibilités. Le mérite de B. Giros n’en est que plus grand, car il est des textes dont la teneur et la répétition ne laissent pas indemne…

• On peut juger inutile l’introduction de la pièce par l’artifice assez didactique d’une communication devant divers plénipotentiaires (ministres, confrères).

Encore un mot...

“Les chatouilles“ sur les planches : plus dépouillé, mais non moins fort, dérangeant et percutant.

Une phrase

«  J’avais eu la présence d’esprit de devenir fou face à l’absurdité du monde dans lequel je vivais » (Louvier)

L'auteur

Denis Lachaud, né en 1964, est tout à la fois romancier (de La forme profonde en 2000 au plus récent, Ah ! ça ira !), comédien, metteur en scène et dramaturge. La Magie lente, publiée avec deux autres nouvelles chez Actes Sud, a déjà été adaptée avec succès dans le “Off“ d’Avignon 2018.

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