La double inconstance (ou presque)
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Thème
Ce pourrait être un parfait roman de gare, sorti de la collection « Harlequin ». Avec de la romance à tous les étages… Mais c’est du Marivaux, du classique avec des jeux de l’amour et du hasard. Ainsi, il y a deux jeunes campagnards, Sylvia et Arlequin. Ils sont attirés l’un vers l’autre. Mais il y a aussi le Prince qui, lui, veut la jeune fille. Il est Prince, donc il a droit de décider ce qui il veut…
Sylvia n’est pas vraiment attirée par le Prince, alors dans les bras d’Arlequin, le Prince va balancer sa domestique Flaminia dont la mission est toute simple : détruire la relation des deux jeunes… Un officier de palais offrira des monts et des merveilles à Arlequin. La sœur de Flaminia viendra faire tourner les têtes. En vain.
L’inconstance est au menu, à tous les moments de la pièce. Mieux : elle est double (ou presque). En creux, il y a aussi la dictature du Prince, la lutte sociale entre riches et pauvres, l’indicible confusion des sentiments.
Formidable dégoupilleur de textes et dynamiteur d’aqueducs, Jean-Michel Rabeux s’approprie le texte de Marivaux pour mieux encore pointer l’érotisme que sous-tendent le pouvoir et l'amour. Et change l’ « happy end » originel en un dénouement noir.
Points forts
- Tout en respectant au plus près l’esprit et la lettre du texte de Marivaux, Jean-Michel Rabeux signe une adaptation aussi joyeuse que noire. Et s’en justifie : « Il y a chez Marivaux des formules alambiquées qui ne peuvent plus passer aujourd’hui. J’ai nettoyé la langue, mais en m’appliquant, sans rien dénaturer. J’y ajoute aussi des références modernes, comme des clins d’œil ».
- La mise en scène pétillante de Jean-Michel Rabeux qui, une fois encore, rappelle qu’il sait, mieux que quiconque, renverser les conceptions scéniques traditionnelles et imposer un style furieusement personnel.
- Le décor de la photographe et plasticienne Noémie Goudal, imposant, mobile et inspiré des trompe-l’œil architecturaux du Vénitien Giovanni Battista Piranesi, dit Le Piranèse (1720- 1778). Un décor qui, selon sa créatrice, décline « une prison princière, mais prison qui ménage des espaces d’observations pour les Maîtres, voyeurs des effets de leurs manipulations ».
- La belle complémentarité des six comédiens qui, dans cette « Double inconstance (ou presque) », disposent d’un texte qui leur permet de briller chacun son tour et à égalité. Tous sont impeccables : Morgane Albez en Sylvia, Hugo Dillon en Arlequin, Roxane Kasperski dans les costumes de la domestique Flaminia et sa sœur Lisette jouée par Aurélia Arto, Christophe Sauger incarnant la créature trouble qu’est l’officier du palais Trivelin… et surtout la comédienne fétiche de Jean-Michel Rabeux, Claude Degliame, voix grave, corps gracile, follement androgyne dans son interprétation du Prince.
Quelques réserves
Bien difficile d'en trouver...
Encore un mot...
Ca bouillonne à tout instant. Voilà du théâtre explosif, corrosif. Qui bouscule le spectateur et qui ne peut que le séduire. Marivaux à la sauce Rabeux, on peut consommer sans la moindre modération !
L'auteur
Né le 4 février 1688 à Paris, Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, plus connu sous le nom de Marivaux, fut journaliste et romancier mais c’est surtout comme dramaturge qu’il est connu et reconnu. Son théâtre brille par son souci de la vérité et l’observation lucide d’un monde en pleine évolution, au siècle des Lumières, dans les années qui précèdent la Révolution française.
Aujourd’hui encore, on connait peu de choses de sa vie, si ce n’est qu’il fut solitaire, discret, susceptible… Son premier texte est joué en 1706, c’est une comédie d'intrigue en un acte et en vers : « Le Père prudent et équitable, ou Crispin l’heureux fourbe ».
Passionné par le théâtre, il s’essaie à la tragédie (« Annibal », 1720) mais ce sera un échec. Il passe alors à la comédie sociale ou sentimentale dans laquelle il évoque la liberté et l’égalité entre les personnes et la situation des femmes. Ce sera « La Surprise de l’amour » (1723), « La Double Inconstance » (1724), « Le Jeu de l’amour et du hasard » (1730) ou encore « Les Fausses Confidences » (1737) et l’apparition du « marivaudage », cet art de la séduction avec des échanges de paroles raffinées et recherchées.
Marivaux mourra à Paris le 12 février 1763.
A ce jour, il est l’un des cinq auteurs les plus joués par la Comédie-française.
Commentaires
bonsoir ,Tout à fait d'accord ,c'est intrigant et de tous les temps , ces " je t'aime ,moi non plus ....,un peu ,beaucoup .....je t'aime mais tu m'aimes pas....alors ,alors quoi ...."Comme dans les chansons un peu mièvres .Là c'est l'inverse de la mièvrerie. Pas franchement cruel ,Sade ce sera pour un peu plus tard.Mais indécis,troubles ,les circonlocutions du texte de Marivaux ,sont ici traduites dans les jeux des acteurs,leurs mouvements,leur voix ,leurs costumes .Tous nos sens sont à l'épreuve pour ressentir corporellement ,ce qu'avec Marivaux on ressent mentalement.Aucune trahison de l'auteur ,mais un élargissement de la conscience de son audace,en ce 18 ème siècle ,si libre que nous aimerions retrouvé après les sombres 19ème et surtout 20ème!Merci ,c'est fort et beau .
J.P.H.
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