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Thème
Deux jeunes villageois s'aiment tendrement. Mais le Prince a décidé de séduire la jeune fille et accepte que sa confidente tente, de son côté, de séduire le jeune homme.
Points forts
A Le texte de Marivaux
1 Comme toujours chez Marivaux, un texte non seulement d'une grande acuité de fond mais aussi d'une exceptionnelle élégance de forme. La langue est tellement gracieuse, tellement "facile", que l'on peut être tenté, à tort, de sous-estimer la portée des mots et la gravité du propos, même si on s'amuse à l'entendre.
2 Ce que cette pièce a d'original c'est que jamais sans doute Marivaux n'a analysé, de façon à ce point quasi clinique, les aléas du sentiment amoureux.
Et, comme toujours chez Marivaux, sans intention moralisatrice. Marivaux est entomologiste des sentiments, non un donneur de leçons.
3 La question posée est très simple: sommes-nous maîtres de notre raison et sommes-nous maîtres de nos sentiments?
Conclusion proposée dans cette pièce, par Marivaux, qui a fait de l'amour, dans tous ses états, la clef de voûte de son théâtre: l'amour ne résiste pas à tout et les gens simples, placés devant les tentations de gens de cour, peuvent perdre aisément le sens de valeurs auxquelles ils semblaient profondément attachés. La situation sociale détermine donc assez largement les convictions, les sentiments et les comportements. Marx aurait-il lu Marivaux?
B La mise en scène d'Anne Kessler
C'est elle qui crée l'événement:
1 C'est une mise en scène originale, audacieuse mais maîtrisée, mêlant scènes de répétition et scènes "réelles", de représentation.
2 Tout est grâce, légèreté, en clin d'oeil, à la Marivaux. Décor, costumes, mouvements de scène, danse, c'est élégant, beau et original.
3 La musique audacieusement choisie, souvent dans le répertoire de la grande variété moderne, du "Both sides now" de Joni Mitchell, à la version orchestrale d'un des grands standards de Frank Sinatra.
C La distribution est au diapason.
Avec trois mentions spéciales:
1 A Eric Génovèse, plein de tranquille assurance dans le rôle de Trivelin, valet du Prince.
2 A Georgia Scalliet, déconcertante de naturel et d'espièglerie dans le rôle secondaire d'une ravissante petite garce.
3 A Florence Viala, qui donne au personnage de Flaminia une gravité et une profondeur qui en font curieusement le personnage le plus touchant de la pièce.
Un bémol à ces éloges: Loïc Corbery aurait, sans doute, intérêt à simplifier et diversifier son jeu, pour ne pas donner l'impression qu'il joue, ici, le rôle du Prince comme il jouait, il y a encore quelques jours, celui de Dom Juan.
Quelques réserves
Le spectacle gagnerait peut-être à être raccourci d'une vingtaine de minutes, grappillées ici et là. Mais je pinaille...
Encore un mot...
1 Quand je pense à tous ces spectacles Marivaux vus depuis six ans, "Le Jeu de l'amour et du hasard", "La Dispute", "Le Préjugé vaincu", "Les Serments indiscrets","L'Ile des esclaves" et cette "Double inconstance", je confirme mon jugement: Marivaux -cette grâce et cet humour au service de l'intelligence- est bien, à mes yeux, le plus grand auteur de théâtre du XVIII° siècle.
2 Vraiment, lorsque toute la "machine" Comédie-Française s'engage, d'un même coeur, dans la voie de l'excellence, force est de constater qu'il n'y a pas d'équivalence en France, ni peut-être en Europe, y compris en Angleterre.
Une phrase
L'ambition ? "Ce noble orgueil de s'élever".
L'auteur
Marivaux a 35 ans lorsqu'il donne, en 1723, "La Double Inconstance", qui est probablement, avec "Les Fausses Confidences" et " Le Jeu de l'amour et du hasard", l'une des trois meilleures de la vingtaine de comédies qu'il a écrites.
Quant à Anne Kessler, qui est entrée à la Comédie-Française en 1989, on lui doit déjà des mises en scènes aussi importantes que celle de "des Fleurs pour Algernon", présenté au Studio des Champs Elysées puis au Théâtre Hébertot et prix du meilleur spectacle privé au Palmarès du Théâtre 2013.
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