La culotte

Les mâles prennent ici une sacrée déculottée
De
Jean Anouilh
Mise en scène
Arnaud Allain
Avec
Annaïg Durand (Madame de Saint Pé), Adina Lagarde (la Présidente), Florian Nibeaudeau, François Pilot-Cousin, Mathilde Salmon, Sacha Uzan, Antoine Waroude
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre CLAVEL
3, rue Clavel
75019
Paris
Tous les mardis à 21h30 jusqu’au 27 février 2024

Thème

  • C’est la révolution dans la société. Les femmes ont pris le pouvoir : tous les êtres de sexe mâle vont être trainés en justice et risquer de subir la peine d’émasculation pour phallocratie abusive prononcée par le “comité des femmes libérées du XVIe“ qui organise la nouvelle société.
  • Lever de rideau : on découvre Léon de Saint Pé ligoté, enchainé dans son salon par sa femme qui l’accuse, à bon droit, d’avoir fait un enfant à la bonne. Léon est assez ridicule - journaliste, écrivain, académicien - il est vêtu en haut de la 1/2 redingote de l’habit vert, en bas d’un grand caleçon et de bas noirs.
  • Ces femmes, comme pendant la révolution, chantant La Carmagnole sont déchainées, vocifèrent, manient le tambour, coiffées du bonnet phrygien : de vraies sans culottes ! On craint fort pour le Monsieur. Heureusement, il y a des défenseures apitoyées, sans compter toutes celles qui regrettent déjà qu’un homme si entreprenant ne devienne une cause perdue pour le charme féminin. 
  • Et puis coup de théâtre : si la bonne a fauté, un événement majeur va démontrer que ce n’est pas avec Monsieur de Saint Pé, pas pour ce coup-là en tout cas !

Points forts

  • Des personnages bien campés, à commencer par la Présidente du tribunal - sorte de tribunal des flagrants délires à la sauce Pierre Desproges - très justement interprétée par Adina Lagarde dont la prestation, au même titre que son rôle dans Antigone, la confirme comme un personnage-clé dans les comédies grinçantes de Jean Anouilh. Maître Lebelluc (François Pilot-Cousin) et La Ficelle (Florian Nibeaudeau) sont eux aussi excellents.
  • Les textes percutants, acides, grinçants d’Anouilh n’ont pas vieilli, et résonnent souvent avec l’actualité Me-too.
  • L’humour pointe à pratiquement chaque réplique, agrémentée de quelques comiques de situations pas toujours du meilleur goût malheureusement. On se prend à penser à Molière : il y avait Les fourberies de Scapin, avec La Culotte, les bouffonneries de Léon de Saint Pé nous font souvent rire jaune : à la fin la scène du « bas du dos » avec la nouvelle bonne est jubilatoire « Ah, oui, je te respecte à pleines mains ! »

Quelques réserves

  • Le début, avec l’entrée en scène tonitruante de ces femmes qui frôlent l’hystérie et excitent les foules avec des chants révolutionnaires, est un peu forcé, féroce, sans finesse. Le mieux est parfois l’ennemi du bien. 
  • Dans le dernier acte, la fuite « de l’autre côté de la frontière », à double voire à triple sens, est escamotée, victime d’une mise en scène sommaire.

Encore un mot...

  • Comparaison n’est pas raison, mais ceux qui ont eu la chance de « déboutonner » La culotte en 1978 à sa création ne pourront s’empêcher de se remémorer les rodomontades d’un Jean Pierre Marielle gonflé d’orgueil mais enjôleur néanmoins, qui disait en off « La culotte est une pièce de jeune homme écrite par un (éternel) jeune homme. »

Une phrase

  • Ada de Saint Pé à son mari : « Ordure… Répète après moi : je suis une ordure. »
  • La nouvelle bonne : « Je suis la nouvelle employée de maison, je viens vous détacher la main droite pour écrire votre article du Figaro, je vous dévisse le capuchon ?
  • Léon : Quelle jolie expression, mais c’est prématuré… »
  • Toto : « Tu ne vas pas me dire que je ne suis pas d’elle ?                                                                                                     
  • Léon : Non, là-dessus pas de doute. Je t’ai vu sortir, c’était déjà la mode d’inviter les pères à la boucherie. »

L'auteur

  • Dramaturge, scénariste français né le 23 juin 1910 à Bordeaux, Jean Anouilh est l’auteur d’une œuvre théâtrale à succès et prolifique : comédies-caricatures des travers de la société ou  pièces à tonalité dramatique voire tragique comme Antigone, réécriture moderne de la pièce de Sophocle.
  • Entre 1937 et 2000 Jean Anouilh a écrit 47 pièces, de La Colombe à Pauvre Bitos, de La Valse des Voleurs (avec de Funès) à L’Invitation au Château (dans laquelle Brigitte Bardot a joué). Qui n’a pas eu la chance de voir son Beckett ou l’Honneur de Dieu avec le sépulcral Michel Bouquet n’a rien vu. La Culotte a été créée le 19 septembre1978 à L’Atelier. 
  • Anouilh a joué (!) un rôle personnel à la Libération, en mobilisant nombre d’artistes de ses amis (les Pitoëff, Pierre Fresnay, André Barsacq…) pour obtenir la grâce de Brasillach.

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