Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas

De
Imre Kertész
D’après son livre, paru chez Actes Sud.
Mise en scène
Joël Jouanneau
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Oeuvre
55 rue de Clichy
75009
Paris
01 44 53 88 88
Se joue jusqu’au 30 juin
Vu
par Culture-Tops

Thème

Auschwitz: pendant, après et pour toujours. 

Le premier mot de ce très beau monologue est NON. C’est un cri qui vient du plus profond du refus et du malheur impensable. «Auschwitz a été mon école », dit l'auteur qui y fut déporté en 1944, à l’âge de 15 ans. Pour ne pas mourir trop vite, il s’était vieilli de deux ans et avait inscrit « ouvrier » au lieu de « lycéen ». Il fut ensuite au camp de Buchenwald. Toute sa famille, sauf sa mère, a été exterminée. Imre, ce jeune garçon à qui les nazis refusaient le statut d’être humain, deviendra Prix Nobel de littérature en 2002. 

Cette pièce est une prière littéraire et poignante, comme le « kaddish « est la prière des morts dans la religion juive. Et « l’enfant qui ne naîtra pas » est l'enfant que l'écrivain de la pièce, refuse à la femme aimée, Judith. Après Auschwitz qui vivra toujours en lui, donner la vie lui est impossible. Mais il s’interroge: « L’enfant aurait-il été une fillette au nez couvert de pâles tâches de rousseur, ou bien un garçon têtu avec des yeux joyeux et durs comme des cailloux gris-bleu »? 

Il dialogue avec un ami philosophe, avec sa « future ex-femme », avec lui-même. Les mots de la souffrance vécue au quotidien, reviennent : « Mathausen, Buchenwald... les usines de la mort, les wagons à bestiaux, l’éternel bourreau: la faim ». Dans les camps, il « a vu tout ce qu’un humain peut voir ». Au retour, sa pelle de labeur deviendra un stylo. Il faut vivre et écrire. Auschwitz a fait de lui un écrivain. On le croise du côté de Kafka, de Beckett, de Camus.

Points forts

  L’émotion, la force, l’intelligence lucide , la vérité des sentiments personnels que dégagent ce texte, le courage... tout cela nous étreint. L’humour aussi. La tendresse. Acharné contre lui-même, il sait aussi aimer les grands platanes ou siffler la Neuvième symphonie de Gustave Malher.

« C’est difficile la judéité » dit Kertész, pas spécialement lié à la religion juive, ni à l’Etat d’Israël. Mais il sait que son identité juive est en lui. Il passera sa vie à la scruter et à rechercher sa vérité. Le double de Kertész se sent « un Juif quelconque, de la ville » et il ne faut pas compter sur lui pour faire les prières à toute heure du jour. Cela déplaît. Il répond, avec une véhémence à la Thomas Bernard : « J’espère être détesté par les Juifs, les non Juifs et les antisémites ».

L’interprétation du grand comédien Jean-Quentin Châtelain est exceptionnelle. C’est du jamais vu de captiver ainsi pendant deux heures, avec la lecture d’un livre. Mais il ne fait pas que lire, il possède son texte. D’ailleurs, c’est une reprise. On a l’impression de communier avec l’écrivain qui va et vient avec ses pages de manuscrit à la main. L'acteur avait déjà triomphé au Théâtre de l’Oeuvre dans « Gros Câlin ».

Il est là, barbu, un peu massif mais aussi, léger, plein de charme : un danseur de texte. Sa voix est inoubliable. Il fait entendre chaque mot avec une vraie justesse.

Le metteur en scène, Joël Jouanneau, a su s’effacer derrière son interprète, du moins en apparence, et la partition théâtrale n’en est que plus tenue.

Quelques réserves

Ce serait un crime d’en inventer.

Encore un mot...

Ce seront les mots d’Imre Kertész : « Les antisémites ne peuvent pas pardonner Auschwitz aux Juifs ».

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