JULES CESAR
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Thème
« Crains les Ides de Mars !» Jules César, au sommet de sa gloire, poussé par des sénateurs conspirateurs ne suit ni la menace du devin, ni les craintes de son épouse. Il va mourir, tué par les sénateurs ; les uns poussés par la haine personnelle, comme Cassius, les autres par l’amour de la République, comme Brutus. Cette journée tragique est contée par Shakespeare d’une manière exceptionnelle, avec une immense leçon de politique et une infinie poésie en dépit de sa violence.
Points forts
- Jules César, interprété par une immense actrice, Martine Chevallier est totalement crédible. En elle souffle l’inspiration de la puissance et du dépassement de l’être. Elle rayonne de l’intérieur.
- Marc Antoine, son ami, son compagnon est tout aussi crédible, interprété par Georgia Scalliet, dont je ne cesse dans mes chroniques de chanter les louanges.
- Cassius, son ennemi le plus acéré est aussi joué par une remarquable comédienne, Clotilde de Bayser. Nous ne pouvons que constater que ces trois grandes dames ont le souffle nécessaire pour jouer Shakespeare, même en incarnant des rôles d’hommes.
- On salue l’adaptation de Rodolphe Dana, qui a su rendre fluide la traduction un peu ampoulée de François-Victor Hugo, et son idée intéressante en ces temps de « femmes de pouvoir », de faire jouer les protagonistes par de grandes comédiennes
- Le ralenti de l’assassinat est saisissant de tragique beauté.
- Il faut saluer les qualités des comédiennes qui jouent les rôles des épouses (Françoise Gillard et Claire de La Rue de Can).
Quelques réserves
- Le metteur en scène semble avoir oublié que Brutus est considéré à Rome comme un véritable héros. Quelque grandes que soient les qualités de Nâzim Boudjenah, il ne parvient pas en dépit de sa fougue, de sa violence et de sa sensibilité à ces « hauteurs » si nécessaires au rôle. Cela manque cruellement, surtout à la fin.
- L’une des focalisations essentielles de Shakespeare dans cette pièce est la versatilité du peuple. Si on perçoit d’excellents bruits de foule pour l’accueil de César, on est surpris du silence qui entoure l’annonce de sa mort par Brutus, puis son éloge funèbre par Marc Antoine. J’osais croire, sans malice que la troupe était suffisamment dotée pour placer, dans ce concept bi frontal du dispositif, quelques comédiens susceptibles d’interpréter ces plébéiens voulus par Shakespeare, qui commencent par adorer Brutus, puis par le vouer aux gémonies, lui et ses complices.
- Noam Morgensztern est bien dans tous ses personnages, sauf dans Octave, où une absence intérieure le caractérise. Or, ce n’est pas un hasard non plus, si Shakespeare, dans le texte originel, lui fait conclure la pièce. Il eût fallu, là encore, une présence plus habitée.
Encore un mot...
On a la chance d’entendre un texte magnifique que l’on goûte pleinement. C’est l’une des plus fortes tragédies politiques qui soient dans l’œuvre de Shakespeare. Le discours de Marc Antoine, où l’émotion de Georgia Scalliet m’a émue aux larmes, résonne sans l’écho de cette foule à laquelle son personnage s’adresse. C’est une soirée très intéressante avec une troupe, pour l’essentiel, bien en place, je salue donc aussi Jérôme Pouly et Christian Gonon. J’aurais aimé adorer ce spectacle, comme j’ai adoré Martine Chevallier… Mais, l’absence du peuple est hélas pour moi un sévère contresens.
Une phrase
Marc-Antoine :
« Vous avez tous pu voir que lors des Lupercales
Je lui offris trois fois une couronne royale,
Qu’il refusa trois fois. Fût-ce de l’ambition ?
Et pourtant Brutus dit qu’il était ambitieux,
Et à n’en pas douter, c’est un homme honorable. »
L'auteur
William Shakespeare (1564-1616) est l’un des géants de la littérature universelle. Auteur dramatique, homme de troupe, acteur, poète, il écrit 37 pièces, qui se partagent entre les pièces historiques, les tragédies, les tragicomédies et les comédies. « Jules César », parmi ses pièces politiques, va plus loin au plan stricto sensu de politique que sa série des « Richard » ou des « Henry », car il y dévoile, plus encore que dans « Coriolan » les manipulations du pouvoir et du peuple. Sa force, sa poésie, sa philosophie, son universalisme nous laissent encore comblés et stupéfaits, émerveillés et reconnaissants.
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