Joyeuses Pâques

Pour qui sonnent les cloches…
De
Jean Poiret.
Mise en scène
Nicolas Briançon
Avec
Nicolas Briançon, Alice Dufour, Dominique Frot, Gwendoline Hamon et Claire Nadeau.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre Marigny
8, av Gabriel
75008
Paris
01 86 47 72 77
Jusqu’au 23 avril 2023. Du mercredi au vendredi à 20 h, samedi à 15h00 et 20h00, le dimanche 15h00.

Thème

  • Stéphane, la cinquantaine, au bord de la consécration professionnelle, emmène “boire un dernier verre chez lui“ la jeune et ravissante Julie, qu’il convoite depuis longtemps, au point de se rendre régulièrement dans le petit restaurant où elle a ses habitudes... 
  • Pour Stéphane, le week-end de Pâques semble bien engagé - il a déposé sa femme Sophie à l’aéroport - et rien ne semble devoir contrarier ses plans…. Sauf peut-être une grève inopinée des vols, qui conduit Sophie à surprendre son mari en galante compagnie à trois heures du matin au domicile conjugal !
  • “Fait aux pattes“, Stéphane n’a d’autre ressource que d’improviser une justification la moins abracadabrante possible (du moins le pense-t-il) : il explique avec véhémence et conviction à sa femme que la ravissante créature qui se tient dans son salon n’est autre que sa fille cachée, et qu’elle venait de lui annoncer sa grossesse !

Points forts

  • On retrouve les ingrédients de la comédie de boulevard à la sauce Poiret, c’est-à-dire un texte pas avare de piques faisant mouche à tous les coups, tels que « Les bons crus font les bonnes cuites », ou dans des dialogues du tac au tac, comme entre Stéphane (« Vous m’avez bien regardé ? ») et Julie ( « Oui… quand j’en aurai l’occasion.»), ou encore avec l’évocation d’une nouvelle fable inédite de La Fontaine, La Moule et la Citrouille...
  • Mais la “patte“ de Poiret, c’est aussi un rythme soutenu, nourri par l’avalanche jubilatoire des mensonges, tous plus gratinés les uns que les autres, et servis par un Nicolas Briançon vite intenable, qui, sous ses airs de Jean-Pierre Cassel, retrouve l’énergie d’un de Funès. Il est épaulé par une pétillante et convaincante Alice Dufour, en belle pas sotte du tout et encore moins décidée à se taire… 
  • Bientôt, la “dinguerie“ la plus totale s’installe à tous les étages de cette fusée pascale. En effet,  la femme de Stéphane, après s’être brièvement étonnée puis insurgée, fait mine de croire la version qui lui est servie par son mari, le poussant dès lors assez sadiquement dans un labyrinthe mensonger du plus haut comique…

Quelques réserves

  • La partition est plutôt bien exécutée, et tout le monde joue le jeu du vaudeville. Mais certains manquent de folie, alors que d’autres en font un peu (voire beaucoup) trop : si Gwendoline Hamon campe une Sophie assez plate, Dominique Frot campe une domestique hiératique et perpétuellement grimaçante, avec une diction “Philippe-Castellienne“ si appuyée qu’elle en est parfois incompréhensible ...

Encore un mot...

  • Confronté à « cette espèce de franc-maçonnerie des bonnes femmes », l’image du mâle blanc français - hétérosexuel dans la force de l’âge et au sommet de sa réussite professionnelle - en prend ici un sérieux coup, et ce bien avant avant les assauts du “wokisme“...
  • Joyeuses Pâques, c’est aussi le portrait féroce de ce groupe d’entrepreneurs et de cadres “aux dents longues“, à la réussite contemporaine des Trente Glorieuses finissantes. Brocardés au même moment dans la bande dessinée par les Tranches de vie du regretté Gérard Lauzier, ou croqués comme ici par Jean Poiret, ces incarnations de “la réussite“ et de l’aisance matérielle n’ont d’égales que la médiocrité morale d’individus incapables de prendre leurs responsabilités dans leur vie sentimentale, alors qu’ils y prétendent comme dirigeants.

Une phrase

  • Stéphane [indigné] : « Vous savez ce que ça coûte de soûler quelqu’un au Château-Lafitte 59 ? »
  • La domestique Fabienne : « Si c’est pour vivre dans l’imprévu, fallait prendre une Polonaise… » 
  • Sophie [pour le mot de la fin] : « Ramener chez soi une si jolie fille, pour repartir avec sa mère… »

L'auteur

  • Le comédien et acteur Jean Poiret (1926-1992), fort de sa longue expérience sur les planches et dans l’écriture de sketchs interprétés avec son complice Michel Serrault, a écrit une dizaine de pièces de théâtre. Certaines comédies, comme La cage aux folles (1973), connurent en leur temps un véritable triomphe. 
  • Ce fut également le cas de Joyeuses Pâques, célébrées pour la première fois au théâtre du Palais-Royal en 1980, avec Jean Poiret himself dans le rôle de Stéphane et Maria Pacôme dans celui de Sophie. Le succès fut tel que la pièce eut un prolongement cinématographique en 1984 (avec dans les rôles principaux Jean-Paul Belmondo, Marie Laforêt et Sophie Marceau, dirigés par Georges Lautner). Au théâtre, cette adaptation par Briançon est la cinquième depuis l’an 2000.

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