Je suis Fassbinder
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Thème
Contrairement à ce que le titre de la pièce pourrait laisser supposer, il ne s’agit pas, ici, d’un portrait biographique de Rainer Werner Fassbinder, ce metteur en scène, réalisateur et écrivain allemand, trop vite disparu, à l’âge de 37 ans, en 1982.
Dans ce texte qui fluctue au fil des évènements et donc, n’est pas fixé, il est essentiellement question d’analyser les démocraties européennes, leur désarroi, leurs convulsions, et leurs crispations autour des questions d’identité, d’immigration et de sécurité; mais cela, à la façon à la fois audacieuse, implacable, sincère, tonique, et provocante qui avait été celle de Fassbinder.
Pour écrire sa pièce, Falk Richter est parti du film « L’Allemagne en automne » (1978), qui rassemblait plusieurs courts métrages, dont un signé Fassbinder qui s’interrogeait sur les conséquences politiques des actions du groupe terroriste Fraction Armée Rouge. Dans ce « Je suis Fassbinder » -dont il a eu l’idée à la suite des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher - Falk Richter réinvente la parole de l’écrivain-cinéaste disparu (joué par Stanislas Nordey), mais aussi celle de la mère de ce dernier, ainsi que celle d’autres personnages qui commentent l’actualité, dissertent et supputent sur l’avenir.
Pour analyser ce début du XXIème siècle, cette plongée dans les années 70, par le truchement de figures de l’époque, est fascinante et, par moments aussi, dans sa provocation, très jubilatoire.
Points forts
- La force de la pièce. Dans un brillant déluge verbal, cette pièce propose une réflexion frontale, sans fard, sur ce qui questionne, en 2016, les pays occidentaux, et notamment, les problèmes de la démocratie, les effets pervers des attentats, et les conséquences supposées d’une immigration de masse, dont celle d’un avènement possible du totalitarisme…
- La mise en scène, qui se revendique d’une liberté artistique totale. D’où des scènes assez déjantées, voire même « trash ».
- L’interprétation. Sur le plateau, comme les doigts d’une main, ils sont cinq à s’envoyer les répliques de ce texte à la fois insolent et provocateur; à en dire aussi, à tour de rôle, avec une ardeur communicative, les monologues qui le jalonne. Ils sont cinq donc, qui font preuve d’une énergie sans faille, d’une drôlerie pince sans rire, parmi lesquels, le co-metteur en scène du spectacle, Stanislas Nordey et Judith Henry, qui fut, en 1990, l’inoubliable héroïne du film « La Discrète », et qui travaille désormais le plus souvent avec le collectif Sentimental Bourreau.
- La scénographie, qui accorde une place importante à la vidéo, notamment pour passer des extraits de films signés Fassbinder.
Quelques réserves
Ce spectacle « no limit », ni verbale, ni dramaturgique, pourra choquer. Mais, évidemment pas les admirateurs de Fassbinder et de sa si roborative radicalité.
Encore un mot...
Si on n’a peur ni de la provocation, ni de l’insolence, alors, il faut courir voir ce « Je suis Fassbinder », car ils sont rares les spectacles qui osent analyser, avec humour et sans précaution oratoire, les risques encourus par les démocraties occidentales frappées par des attentats. Encore plus rares sont ceux dont l‘écriture se modifie en fonction de l’actualité. Le texte entendu aujourd‘hui à La Colline par exemple n’est plus le même qu’initialement. Il a beaucoup « bougé » depuis les agressions de Cologne en décembre 2015.
Cette création est la première que signe Stanislas Nordey comme « patron » du Théâtre National de Strasbourg. Puissent toutes celles qui vont suivre, avoir la même force, la même ambition…
L'auteur
Né le 23 octobre 1969 à Hambourg, Falk Richter est un metteur en scène de théâtre, auteur et traducteur allemand. C’est dans sa ville natale qu’il effectue ses études supérieures (linguistique, dramaturgie et philosophie) et qu’il met en scène ses premières œuvres : « Portrait », « Image », « Konzept » et « Kult » en 1996.
Aujourd’hui ses pièces, dont « Gott ist ein DJ », « Electronic City » « Nothing hures », sont traduites dans 25 langues et jouées aussi bien dans les principales capitales du monde que dans les plus grands festivals de théâtre comme Avignon et Edimbourg.
Depuis 2006, Falk Richter est metteur en scène associé à la Schaubühne de Berlin, où il monte ses propres textes ainsi que des auteurs contemporains comme Harold Pinter, Sarah Kane et Jon Fosse, ou des auteurs classiques comme Anton Tchekhov et William Shakespeare.
Il entretient aussi des relations amicales et privilégiées avec quelques hommes de théâtre européens, et notamment avec Stanislas Nordey, le tout nouveau patron du Théâtre National de Strasbourg. Les deux artistes qui aiment le théâtre politique et engagé avaient travaillé ensemble en 2008 pour « Das System ». Ils réitèrent avec ce « Je suis Fassbinder », écrit par le seul Falk Richter, mais mis en scène par les deux hommes.
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