Je ne suis pas de moi
Compagnie La Tangente
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Thème
Comment qualifier les 1 000 pages écrites par Roland Dubillard entre 1947 et 1997 dans ses Carnets en marge : « Ce journal pose un problème que je ne puis guère résoudre maintenant, écrit Roland Dubillard. J'arrive à proférer les idées les plus intelligentes (selon moi) et les plus sérieuses comme des plaisanteries irrésistiblement stupides ». Il est vrai qu’on se croirait à la samaritaine et le choix des passages retenus a dû être compliqué pour Maria Machado (la dernière compagne de Dubillard) et Charlotte Escamez (qui fût pendant 10 ans sa secrétaire littéraire).
La pièce aborde l’œuvre à travers deux personnages – l’homme et le jeune homme, qui sont tiraillés par la colère et l’angoisse, tout en tournant en dérision leurs expériences. Chacun semble aborder la vie par un versant : la face sud, ensoleillée, légère et drôle, ce qui ne l’empêche pas d’être profonde, interprétée magistralement par Denis Lavant, et la face
Points forts
La prestation de Denis Lavant. Il apporte son génie à ces aphorismes qui s’enchaînent en courtes phrases ou développements plus circonstanciés. Ce qui est comique prend aussi un tour dramatique, chacun de ses pas se fait sur le fil du rasoir. Il évolue sur des sommets que seuls quelques très grands peuvent atteindre.
Carnets en marge, c’est 50 ans d’histoires, réflexions, contes, projets, piécettes, observations, pensées, romans inachevés. En puisant dans ce matériau brut d’une magnifique diversité, Maria Machado et Charlotte Escamez ont mis en exergue la singularité de Roland Dubillard : un mélange, parfois dans la même phrase, de folie, de génie, de rêverie, de burlesque, d’absurde, de mélancolie …
Quelques réserves
Samuel Mercer – le jeune homme – grimpe la face nord mais l’itinéraire qu’on lui a tracé est semé d’embûches. A trop vouloir lui insuffler une dramaturgie, le texte devient vite pesant, violent et bien difficile à interpréter. Il verse dans une théâtralité un peu forcée.
Encore un mot...
Je ne suis pas de moi ambitionne de faire entendre la voix d’un artiste, à la fois poète, dramaturge et acteur qui n’en revient pas d’être né. Pour tenter de rendre ces multiples facettes, le personnage de Roland Dubillard a été dédoublé en deux comédiens qui s’affrontent, se complètent, se détruisent et se reconstruisent au fil de leurs contradictions et de leurs conflits intérieurs.
Les deux personnages sont pris entre deux pôles : exister et créer. Le spectacle n’est pas une biographie de Roland Dubillard mais une tentative partiellement réussie d’exprimer la rébellion qui se dégage de ses carnets en marge.
Une phrase
« Je ne vous reproche pas d'être fidèle à votre mari. Ne me reprochez pas d'être un ivrogne. Nous tenons tous les deux à notre passion que nous avons choisie dans un lot de passions sans valeur ».
L'auteur
Roland Dubillard (1923 – 2011) est à la fois écrivain, dramaturge et comédien. Il a créé un ensemble d’œuvres qui ne se ressemblent pas. Impossible à « étiqueter », il s’évertua à déjouer les attentes en expérimentant une multiplicité de genres. Classé parmi les « inclassables », il unit en permanence le comique le plus irrésistible avec l’émotion la plus profonde.
Il fut aussi un acteur au phrasé particulier et aux intonations subtiles qui donnaient une interprétation très personnelle de ses œuvres, mais aussi à celles des autres, en témoigne une riche filmographie (Mocky, Deville, Resnais, Berri, Robbe-Grillet, Zulawski …).
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