Je m’en vais mais l’Etat demeure
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Thème
- Pour son neveu âgé de cinq ans, Hugues fait le récit du temps présent. Chronique du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, de l’exercice du pouvoir donc, ponctuée par les événements principaux qui l’ont marquée, cette fresque de théâtre documentaire, commencée en 2017 et qui alors durait une heure, dure sept heures aujourd’hui. D’une année d’élections à l’autre, elle déroule six années de vie politique et sociale française.
- Soumise au rythme de l’actualité cette pièce de théâtre fleuve, feuilleton de la France contemporaine, est le résultat d’une écriture permanente. L’article 1 de la Charte présentée en fond de scène au spectateur pendant les entractes le rappelle : « cette pièce commence en septembre 2016. Et se finit à la date où elle est jouée ». On suit donc les comédiens du démantèlement de la jungle de Calais en 2016 à la campagne d’Eric Zemmour en 2021-22, en passant par les confinements, le Liban, l’assassinat de Samuel Paty, les meetings d’Emmanuel Macron, épisodes auxquels se mêlent quelques éléments de vie privée, singulière, qui enracine ce « grand zapping de cinq ans » ainsi que le dit l’auteur, dans le terreau de notre vie quotidienne.
Points forts
- Ce spectacle, illustré par des documents sonores et visuels originaux, est, comme l’actualité, un tourbillon frénétique tissé de théâtralité, via la satire et l’autodérision. Tout ou presque y est drôle, diablement intelligent et formidablement dramatique. L’ironie utilisée pourrait nourrir la méfiance si répandue à l’égard de la classe politicienne, mais les vertus d’une observation participante dont le caractère problématique n’est pas esquivé, portée par le flux de l’information en continue assurent le triomphe de la pédagogie.
- Le spectateur assiste à quelque chose de vraiment neuf : un théâtre qui mêle une mise en scène de soi brillamment narcissique à un flot d’informations nourrissant une véritable réflexion citoyenne.
- On ne sait pas toujours ce qui est vrai et ce qui est faux, car comme le rappelle l’article 7 de la charte : « Tout est vrai. Sauf ce qui est faux », et c’est très bien comme ça.
Quelques réserves
On pourra évidemment discuter le choix des séquences événementielles retenues et/ou relever quelques longueurs : la campagne d’Eric Zemmour, moment de bravoure du spectacle et à propos de laquelle Hugues Duchêne a réalisé une véritable prouesse d’« infiltration », d’ailleurs passablement risquée, s’avère un peu longue. Mais elle le fut aussi pour tous les citoyens témoins de cette campagne.
Encore un mot...
- En reprenant les mots adressés par Louis XIV sur son lit de mort aux titulaires des grands offices de la Cour pour intituler son spectacle, Hugues Duchêne rappelle à quel point les grands moments de la vie politique française sont, depuis longtemps, théâtralisés, le plus souvent volontairement, par les acteurs. La vie politique est une scène et les formes de ce théâtre en disent long sur les rapports de pouvoir qui sont alors exhibés comme autant de démonstrations de l’autorité centrale.
- Expérience certainement éprouvante pour l’auteur, metteur en scène et interprète, ancien des jeunes socialistes, cet événement de théâtre documentaire est pour le spectateur un moment réjouissant.
- Ce spectacle, toujours centré sur l’actualité émergente, ne cessant pas d’évoluer, on attend la suite avec impatience.
Une phrase
« Si les profs commencent à se faire trancher la tête, je ne sais pas qui il va rester pour voter PS. »
« De mon temps, les fachos étaient antisémites. On pouvait compter dessus. »
« Pour cette pièce j’aurais perdu un ami flic, j’espère qu’elle m’aura fait gagner un ami facho. »
L'auteur
- Avec le Royal Velours, la compagnie qu’il a fondée avec ses anciens camarades de l’Académie de la Comédie-Française, Hugues Duchêne a passé un pacte : il s’agit, on l’a compris, de raconter des choses vraies, en jouant inlassablement avec les frontières de la fiction tout en renouvelant le format théâtral.
- Visible par tranches chronologiques ou en version intégrale, Je m’en vais mais l’État demeure a rencontré un vrai succès public et critique dès 2018 dans le festival off d’Avignon.
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