J’ai trop d’amis
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Thème
- Premier jour de rentrée en Sixième pour notre héros, qui espère à chaque prénom appelé être dans la “bonne“ classe, celle de tous ceux et celles de son CM2…
- Raté ! Il atterrit en 6eC, là où il ne connait personne. Pas d’amis… Pas d’ennemis (ou pas encore). Ses parents ? Occupés par leurs problèmes. Sa sœur ? A deux ans et demi, on parle comme de la bouillie ! Comment s’en sortir ?
Points forts
- Cette petite pépite s’est jouée dans le bel écrin du théâtre des Bernardines à Marseille. David Lescot retranscrit à merveille le langage et les préoccupations de ses jeunes protagonistes. A deux ou à onze ans, on n’a pas le même phrasé, ni les mêmes centres d’intérêts.
- Outre sa dimension humoristique, la grande force du texte tient à ce que chaque personnage pense et parle à hauteur de son âge. Quitte à ce qu’on ne comprenne qu’un mot sur huit quand c’est la – géniale – petite sœur qui s’incruste !
- La magie opère : on se retrouve plongé avec notre héros dans sa classe de 6e. Il s’adresse à nous comme à son journal intime. C’est un petit bonheur de retrouver les préoccupations qu’on a pu traverser, qu’on traverse ou qu’on traversera à onze ans. Comment avoir un téléphone ? Est-ce qu’on a envie ou non d’être avec une fille ? Et surtout : c’est quoi, être populaire ?
- A découvrir avec ou sans enfant, en tournée jusqu’en avril 2024.
Quelques réserves
- Une seule, émise par Théo, dix ans : « J’ai bien aimé le spectacle. Bon par contre ils savent pas jouer au UNO… »
Encore un mot...
- J’ai trop d’amis est la suite du spectacle jeune public J’ai trop peur, commande du Théâtre de la Ville, qui a été joué plus de 500 représentations dans toute la France.
- Les cinq comédiennes qui jouent les six personnages interprètent alternativement chacun des rôles. Ce sont elles qui les ont créés. Chacun est issu de la personnalité d’une des actrices. Elles interprètent pourtant toutes en alternance l’ensemble des rôles. Bravo !
- Le défi est d’autant mieux relevé que le parti pris est de faire jouer les personnages enfant par des adultes sans les infantiliser. Il s’agit d’en adopter les codes – vestimentaires, posturaux, lexicaux – et les préoccupations. On devine l’enquête de terrain qu’a mené l’auteur !
- L’ingénieux, et à la fois rudimentaire, mobilier scénique permet au public de projeter les décors dans lesquels évoluent les personnages. En quelques répliques, on rentre pleinement dans le spectacle, et nous voilà plongés dans une salle de classe, une cour de récré, une maison. Un beau et drôle de voyage, dont on ressort avec un tube en tête, que je ne vous gâche pas le plaisir de découvrir sur scène en même temps que notre héros…
Une phrase
Basile : « Tiens.
Moi : C'est quoi ?
Basile : C'est un message pour toi.
Moi : Quoi ?
(Il lit.)
Moi : Oh non ! Mais qu'est-ce que c’est que ça encore ?
Basile : T'es d'accord ou pas ?
Moi : Eh oh, Basile ! C'est ma vie privée ! C'est un message secret je te signale ! Comment tu sais ce qu'il y a dedans ? Tu l'as lu ou quoi ?
Basile : Ben oui. Tout le monde l'a lu. Ça vient du fond de la classe.
Moi : J'hallucine !
Basile : Bon, est-ce que t'es d'accord ou pas ?
Moi : D'accord pour quoi ?
Basile : Ben pour être avec Marguerite. C'est ça qu'il y a écrit sur le message non ? (Il lit :) "Est-ce que tu es d'accord pour être avec Marguerite ?" Tu vois ?
Moi : Mais non enfin ! J'ai pas du tout envie d'être avec Marguerite, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Basile : Donc on met quoi ? On met "non" ?
Moi : Non mais de quoi je me mêle, d'abord, Basile ? Pourquoi on doit répondre ensemble à mon message secret ?
Basile : Ben parce que c'est un message secret. Les gens de la classe ont besoin de connaître la réponse.
Moi : Mais y a pas de réponse ! J'ai pas envie de répondre et puis c'est tout !
Basile : Ah ben non, ça c'est pas possible. T'es obligé de répondre. Les gens de la classe...
Moi : Je répondrai au message de Marguerite quand j'aurai décidé moi-même de répondre au message de Marguerite et puis c'est tout.
Basile : Mais c'est pas un message de Marguerite.
Moi : Comment ça c'est pas un message de Marguerite ? C'est un message de qui ?
Basile : Ben c'est un message des gens de la classe.
(Silence.)
Moi : Mais ça veut dire quoi "les gens de la classe" ? C'est une personne, "les gens de la classe ?" Y a bien quelqu'un qui l'a écrit ce message !
Basile : Ben oui.
Moi : Et c'est pas Marguerite ?
Basile : Ben non. Marguerite elle le sait pas. Elle le saura quand t'auras répondu au message. D'ailleurs je te conseille pas de répondre non, parce que ça va être dur pour être si elle se prend un râteau. Les gens de la classe vont se foutre de sa gueule.
Moi : Vous êtes complètement fous dans cette classe ! Ça serait jamais arrivé si j'étais allé en 6eC. Là-bas les gens je les connais, ils feraient jamais ça.
Basile : Les gens de la classe, ils ont pensé que comme vous êtes déjà tous les deux délégués, ça serait pas mal si vous étiez ensemble. Ca serait une belle histoire.
Moi : Pfouuu...
Basile : Bon alors on met quoi ? On met oui ?
Moi : Mets ce que tu veux, Basile. Je m'en fous, voilà.
Basile : Je mets oui, hein. C'est plus correct. Par rapport aux gens de la classe. »
L'auteur
- David Lescot est l’auteur d’une œuvre prolifique. Artiste associé au théâtre de la Ville, il a notamment mis en scène des pièces pour la Comédie française, créé des comédies musicales et des opéras. Ses œuvres ont obtenu plusieurs récompenses (prix SACD, grand prix de littérature dramatique, Molière de la révélation théâtrale, Prix de la Meilleure création en langue française du Syndicat de la Critique).
- Ses œuvres sont traduites, publiées et jouées en différentes langues. Vous pouvez retrouver plusieurs de ses textes aux éditions Actes Sud-Papiers.
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