Innocence
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Thème
Point de départ de cette histoire où plusieurs destins se rencontrent: la vie de deux travailleurs clandestins, dans un grand port, va être transformée par le fait qu'ils n'ont pas bougé pour sauver une jeune fille de la noyade. Le remords les ronge.
Points forts
1 La manière dont des solitudes se croisent et s'entrechoquent sans, le plus souvent, se partager, dans une société sans illusions.
2 Dans la construction, cette technique qui consiste à faire résumer certains bouts de séquences par les protagonistes eux-mêmes.
3 Une langue parfois belle, et délibérément recherchée, même lorsque les gens sont sans grande culture.
4 Le décor, à la fois simple et impressionnant.
5 Les costumes de Jean-Paul Gaultier qui, avec modestie, intelligence et créativité, a su se mettre au service d'un texte, sans chercher à faire des effets.
6 Une direction d'acteurs très sobre et imposante, les acteurs n'ayant rien à dire restant sur la scène, immobiles. Cela donne un effet de masse étonnant.
7 Une performance remarquable de la troupe, avec, peut-être, une mention particulière à Danièle Lebrun, dans le rôle d'une ancienne postière qui aurait aimé refaire le monde: "Pendant 40 ans, j'ai rêvé mes rêves dans un bureau de poste".
8 Une séquence très drôle, lorsque l'ouvrier clandestin noir veut faire contrôler un billet de 50 euros par une caissière anti-raciste qui refuse de faire un tel geste de défiance à son égard.
Quelques réserves
1 Une construction en 19 séquences, conçues presque comme des sketchs, sans vrai lien de continuité.
Du coup, aucun suspense, aucune dynamique de progression d'intrigue.
2 Beaucoup, beaucoup de longueurs, dont deux interminables monologues (sur trois) de la philosophe, qui semble tenir à ce que nous comprenions "la non fiabilité du monde".
3 Au passage, quelques poncifs bien sentis sur la vie, Dieu etc..
4 Au total, 2h2O de spectacle, dont la moitié pourrait être supprimée sans encombres.
Encore un mot...
Les points faibles pèsent malheureusement beaucoup plus lourds que les points forts..
Dommage, parce que le point de départ était excellent.
Dommage, parce que Dea Loher a un style parfois remarquable et qu'il y a dans sa vision de la société une violence qui fait penser à Fassbinder.
Dommage, parce qu'on partage deux ou trois moments de vraie émotion.
Dommage, donc, parce que les comédiens (cf. plus haut)...
J'aurais envie de conclure en employant les mêmes mots que la philosophe, à la fin de la pièce:" Quelle désolation, tout ça!"
Une phrase
Plutôt deux, qui rendent assez bien compte de l'ambiance du spectacle:
- la philosophe: "Je ne crois plus au nous (...) je ne crois plus qu'à la contingence".
- le croque-mort: "La vie: rien d'autre que l'attente de la mort"!
L'auteur
Dea Loher, née en 1964 en Haute-Bavière, est un écrivain célèbre en Allemagne. Elle est l'auteur d'une vingtaine de pièces.
Denis Marleau, metteur en scène né au Québec, connaît bien la Comédie-Française où il a présenté, en 2011, "Agamemnon" de Sénèque.
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