Idiot! Parce que nous aurions dû nous aimer

De
Vincent Macaigne
d’après le roman « L’idiot », de Dostoïevski
Mise en scène
Vincent Macaigne
Avec
Dan Artus, Servane Ducorps, Thibault Lacroix, Pauline Lorillard, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Thomas Rathier, Pascal Reneric.
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Théâtre des Amandiers-Nanterre
7 avenue Pablo Picasso
92001
Nanterre.
01 46 14 70 00
ATTENTION: DERNIERE REPRESENTATION, le 14 novembre

Thème


Il ne s’agit pas vraiment d’une adaptation théâtrale du roman de Dostoïevski, d'abord paru en feuilleton en 1869, mais plutôt d’une lecture de ses thèmes, faite comme dans un cauchemar exacerbé et délirant, par Vincent Macaigne et sa troupe. Certes, du pavé très romanesque de 1 000 pages avec  4O personnages, nous retrouvons les obsessions de Dostoïevski : la métaphysique, l’existence de Dieu, le sens de la vie, le pouvoir, la société corrompue, l’argent, l’arrivée des chemins de fers, les profits…. Et la figure de l’Idiot , ce prince épileptique, tantôt naïf mais bon, tantôt génial. Il veut épouser Nastassia pour la sauver de son tuteur-amant non désiré. Elle aime le prince mais elle se sent salie, souillée, et elle préfère s’enfoncer encore un peu plus dans la déchéance. Suivent de multiples intrigues.
La pièce de Macaigne se présente en deux parties: l’espoir et des années plus tard, l’espoir fracassé.
Dostoïevski lui-même  vécut dans l'extrême violence du monde.  Il avait en lui la rage et le refus des compromissions qui animent ses personnages. Prisonnier au bagne en Sibérie, à cause de ses critiques de Nicolas II et de ses idées jugées révolutionnaires, ruiné, toujours à court d’argent dans une vie d'exilé, malade d’épilepsie, il fut le fils d’un terrible père médecin militaire assassiné par ses propres serfs qu’il maltraitait.

Points forts


Nous assistons à la reconnaissance d’un artiste de la scène d’aujourd’hui, Vincent Macaigne, qui fut  révélé avec son Hamlet , en 2011 au Festival d’Avignon. Il a créé cet Idiot en 2009 et ne cesse de le creuser avec sa troupe, de l’improviser, de le relire, le tordre, le déconstruire….
Ce n’est pas un spectacle ordinaire. Voir ce qui se fait au théâtre est toujours enrichissant. Le public, qui semble rajeuni, est convié à une fête, une cérémonie théâtrale, un évènement, une manifestation pleine de bruit et de fureur. 
Pas de décor classique, avec mobilier, mais des déferlements d’eau, de déjections, de terre, de sang, de peinture verte ou noire. On se cogne malgré les genouillères, on chute, on crie, on hurle, on harangue de manière assourdissante.
 Un Mickey agrippé nous évoque une sculpture de Jeff Koons. Un landau de bébé est peut-être celui qui dévalait les marches dans le film" Le cuirassé Potemkine », juste avant  la Révolution russe. 

Quelques réserves


La fête y est-elle? Cette obligation de faire la fête, même pour l’anniversaire de la belle Nastassia ne fonctionne pas vraiment. Dès l’attente de la navette à la sortie du RER, nous sommes impérativement sommés de nous « éclater » et de faire le plus de bruit possible. «  Faîtes du bruit! ». Cette injonction autoritaire, un brin névrotique, évoque davantage l’ambiance des plateaux de certaines émissions télévisées agitées que la fête théâtrale donnant envie d’aller faire la révolution et de changer le monde. Ce à quoi par ailleurs, les acteurs nous encouragent sur scène, en hurlant, éructant de leurs voix saturées. 
Le son est si fort que nos plexus tremblent. Mais heureusement, le théâtre a eu la délicatesse de distribuer des bouchons d’oreilles en mousse.  Personnellement, je ne les ai pas quittées. 
Macaigne justifie cet hurlement permanent par le fait que le roman est rempli de fureur et de cris. Seulement, à sa lecture, nous l’écoutons hurler en silence et nous profitons d’un  texte littéraire.  Cette mode d’écrire des pièces «  d’après » devient lassante. Nous en subissons  cette saison. Il serait plus honnête d’adapter, ce qui ne veut pas dire pasticher. Et quand on a le talent et l’envergure d’un Macaigne, pourquoi ne pas écrire ses propres textes?   
Ce travail de troupe rappelle le ton assez sentencieux et névrotique de «  Le Capital et son singe » d’après Karl Marx, présenté cette saison. Là aussi, le texte était très peu de Marx. Il y a d’autres cas…. Cela s’appelle l’air du temps. Alors tout serait foutu, même les vrais textes?
L’air du temps aussi, avec l’omniprésence de cet acteur nu, gentiment dodu et à la belle peau blanche,  zizi en repos et micro à la main pour nous engueuler. Il ressemble un peu à Vincent Macaigne et semble particulièrement nous en vouloir mais c’est déguisé en gros lapin blanc qu’il viendra annoncer l’apocalypse finale. C’est écrit sur le mur: «Ici, c’est pire qu’ailleurs » et «  La fête est finie ». Plus drôle : «  Guerre à la Suisse ». 

Encore un mot...

Faux happening. Théâtre avec mégaphones. Fête permanente et libération de tous les égos. Pourquoi pas? Mais la fête est finie avant qu’elle ait eu vraiment lieu.
N’oublions pas que ce genre de travail n’est pas spécialement nouveau. Il y a près d’un demi siècle déjà….existèrent le Living Theatre et son  scandaleux «  Paradise now » en Avignon, en 1968, avec ses acteurs nus et mêlant leurs corps et leurs angoisses se voulant anarchistes. Il y eut aussi les recherches de Richard Foreman, le prêtre des happenings. Mais nous préférions Jerzy Grotowski et le choc visuel et poignant de « La classe morte » de Tadeusz Kantor. Hélas pour la mode du bruit, c’était totalement silencieux!

Commentaires

Anonym
dim 09/11/2014 - 17:09

Vincent Macaigne son Théâtre est = l'éthique et le bon sens;
***idiot !*** de Vincent Macaigne enchante les spectateurs et leur donne envie de participer avec les comédiens sur scène, Son Théatre est de faire vivre spectateur avec les comédiens *qui sont tous fort doués et ils se donnent entièrement à leur Théatre,
***idiot!*** est formidable , le Théâtre de Vincent Macaigne est des peintures vivantes, des vitrines vivantes et avec le démesure sur tout = des cris de secours : Si on ne peut comprendre les douleurs d'excessivités, c'est ce que "tout être" n'a pas les mêmes sensibilités ...!
il faut comprendre que Vincent Macaigne est (très doué pour le calme au cinéma quand il joue ""un monde sans femmes"" et très sonore pour ses mises en scène au théâtre) son équipe est aussi fort doué, c'est le Théâtre qui donne des règles de nouveauté : même Si déjà d'autres avaient fait des scènes semblables ! nous sommes en l'an 2014, Vincent Macaigne a des dons au théâtre et au cinéma, son équipe aussi. merci à eux et aux Théâtres .Vive le théâtre et cinéma français

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