Hors la loi
Pièce "documentaire", "Hors la loi" constitue une mise en abîme impressionnante de tout ce que -il n'y a pas encore si longtemps- l'avortement pouvait susciter de drame personnel, médical, et social.
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Thème
Conçu un peu comme un documentaire, ce spectacle nous plonge dans le temps pas si lointain où l'avortement était interdit et puni par la loi. « Les faiseuses d'anges », dans une clandestinité absolue, permettaient à des femmes qui n'avaient pas les moyens d'aller se faire opérer à l'étranger, de se débarrasser d'une grossesse non désirée.
Pauline Girard concentre son propos sur la fameuse affaire du procès de Bobigny, plaidée par l'avocate Gisèle Halimi, soutenue par le manifeste des 343 femmes qui s'accusèrent du délit d'avortement. Le personnage de la jeune accusée de l'époque, Marie-Claire, adolescente violée par un camarade de classes, se souvient de ces douloureux événements et laisse défiler sa mémoire.
Points forts
- Martine Chevallier, est cette adolescente, devenue adulte. Douce, émouvante, avouant « avoir toujours 15 ans » ; elle est le fil d'Ariane de son histoire personnelle qui est devenue un moment de notre Histoire collective, avec la révolution sociétale qu'elle a déclenchée.
- La scénographie, astucieuse, d'Emmanuelle Roy, permet de bien différencier les espaces privés et publics. La vie de cette femme, qui élève, seule, deux filles, est bien indiquée, avec la sorte de fatalité qui semble s'acharner sur une vie sans joie.
- On retrouve avec émotion, lorsque l'on appartient à cette génération, la tragédie que représentait un avortement. La solidarité entre les femmes capables de trouver les réseaux, conduisant à celle qui pouvait intervenir dans un artisanat consternant, qui provoquait parfois la mort par septicémie. Dans ce rôle d'avorteuse, Martine Chevallier, là encore, est stupéfiante et méconnaissable.
- Le groupe des féministes est bien distribué. Les séquences des jeunes garçons sont un peu limitées, mais c'est essentiellement une affaire de femme, sauf lorsque de grandes personnalités politiques viendront témoigner à ce procès retentissant ( Alexandre Pavlov étonnant en Michel Rocard). Françoise Gillard devient, en deuxième partie, le piano conducteur de la pièce, incarnant avec force, et conviction, l'avocate Gisèle Halimi. Parmi les féministes représentées, il convient de saluer Danièle Lebrun qui joue plusieurs rôles, dont celui de l'amie de Marie, la maman de l'adolescente. Elle est très convaincante en Simone de Beauvoir dont elle a travaillé non seulement l'aspect physique, mais l'esprit du phrasé.
Quelques réserves
- Claire de la Rüe du Can, victime du viol, Ciralie Zahonéro qui joue sa mère, et la petite sœur, jouée par Sarah Brannens (délicieuse) semblent toutes trois avoir été dirigées vers une grande retenue, avec beaucoup de pudeur, comme en retrait, ce qui nuit un peu à l'émotion de cette situation cruelle.
Encore un mot...
Je pense qu'il est courageux, à un moment où la liberté pour les femmes de disposer de leur corps, leur est à nouveau contestée dans certains pays du monde, de porter à la scène un tel témoignage, pour montrer aux jeunes générations qu'un avortement est toujours une décision grave et douloureuse. Désormais, la contraception existe : il ne faut pas abuser – je sais que je risque de choquer – des IVG de «confort» ( sauf viol, inceste...). Il est utile aussi, pour les jeunes générations, de leur faire prendre conscience que le temps n'est pas si lointain où l'avortement provoquait 5000 morts par an.
L'auteur
Pauline Bureau est auteur-metteur en scène, formée au Conservatoire national supérieur d'art dramatique (promotion 2004). Elle a fondé sa compagnie, «La part des anges» .
En 2014, elle écrit et met en scène «Sirènes». Depuis, ses autres pièces sont publiés chez Actes Sud Papiers. Elle a reçu en 2015 le prix Nouveau Talent théâtre de la SACD et créé «Dormir cent ans» (Nomination au Molière 2017 du spectacle jeune public).
En 2017, elle s'attaque au thème des victimes du Médiator, avec «Mon coeur».
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