Hedwig and the Angry Inch
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Thème
Sur une scène qui respire l’Allemagne au moment de la réunification, un groupe de rock aux allures punkoïdes – les Angry Inch, soit un bassiste, un guitariste, un claviériste et une batteuse juchée sur une Trabant aux phares allumés – nous accueille, au son caverneux de la voix d’un improbable choriste croate, lequel nous annonce : « Le spectacle il fait du bruit, mais il fait aussi pas de bruit… Alors vous fermer vos p…. de téléphones portables. »
Nous voilà donc prévenus, mais ce à quoi nous ne nous attendions pas, c’est à l’arrivée spectaculaire (et par l’arrière, la suite montrant que ce n’est pas par hasard) de la chanteuse – qui s’avère vite être aussi un chanteur – Hedwig, et qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer en fait d’extravagance…
Une fois installée au centre du plateau, Hedwig capte et monopolise l’attention, non sans raison, car c’est son histoire de jeune Allemand de l’Est mué(e) en star avortée et plagiée du rock américain qu’il/elle va dérouler, au fil des morceaux interprétés par ses Angry Inch.
Points forts
On plonge dans un univers rock hybride, à la fois glam, punk et même grunge, qui ne recule devant aucun excès dans les apparences, emmené par un Brice Hillairet qui sait à merveille nous faire croire à ses multiples identités (son origine allemande, son vécu à Tuckson Arizona, ses bifurcations de genre). Frontwoman accomplie, Hedwig instaure avec le public une relation immédiate, avec un humour assez décapant.
Le groupe qui l’accompagne, soi-disant composé de “musiciens polonais en quête d’un titre de séjour”, interprète les morceaux avec un talent et une technique impeccables ainsi qu’une belle énergie : on leur est reconnaissant de ne pas pousser le volume sonore trop fort, de sorte que chaque partie instrumentale peut être distinguée, et donc appréciée.
Sans atteindre des sommets, les morceaux sont plutôt bien troussés, et les Angry Inch se montrent à l’aise aussi bien avec le genre punk qu’avec la country (un Sugar Daddy savoureux) ou même un glam-rock un peu symphonique qui donne lieu à un final étourdissant.
Quelques réserves
Au point de vue musical, on peut regretter que la voix d’Hedwig ne se fasse pas suffisamment entendre au milieu d’un accompagnement par un groupe qui joue du rock fort (LOL), mais pas non plus trop. On a du mal à discerner la voix et donc les paroles, qui fort heureusement sont affichées en traduction française au-dessus de l’arrière-scène. Les parties acoustiques du show permettent de palier cet inconvénient.
- Si le spectacle est techniquement irréprochable, il n’évite pas les vieux poncifs sur le plagiat (qui avaitt inspiré Brian de Palma dans Phantom of the Paradise en1974), les sacrifices à consentir pour atteindre le succès, le tout avec un personnage principal et un univers visuel qui rappellent beaucoup le Rocky Horror Picture Show (1975), pour ne rien dire de Ziggy Stardust (David Bowie) et ses Spiders from Mars, quand bien même cette comédie musicale aborde des problématiques sensibles et très ancrées dans notre époque (le changement de genre).
Encore un mot...
- L’impression générale, au-delà de la débauche d’effets visuels et sonores, dans l’extravagance des costumes notamment, est celle d’un patchwork résultant d’une sélection dans une intrigue autrement plus riche dans la version originale d’Hedwig : à l’exception de celle-ci, les autres personnages ne sont guère fouillés, notamment celui du juif croate Itzakh.
Une phrase
Hedwig [au public] :
« Mesdames et messieurs, vous allez être un public de rêve… ça aussi je le dirai dans le prochain spectacle ! »
« Un chanteur qui agresse le public, c’est rock. Un chanteur qui s’auto-agresse, c’est punk ! »
L'auteur
John Cameron Mitchell, né en 1963 dans le Colorado, connaît le succès avec Hedwig, puis oriente son travail vers des films intégrant des scènes de sexualité explicite (Shortbus, 2006). Il est une figure de la communauté gay aux USA, et l’objet de l’exécration des électeurs de Donald Trump.
- Ce spectacle constitue l’adaptation du Musical Rock éponyme créé à Broadway en 1998, qui remporta 4 Tony Awards, et donna lieu en 2001 à un film que réalisa John Cameron Mitchell, et où il tint le rôle principal.
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