Harold et Maude
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Thème
C'est l'histoire très œdipienne, très classique et actuelle en même temps, d'une idylle qui se noue et de joue sous nos yeux, entre HAROLD, un jeune homme dépressif et oisif essayant désespérément d'échapper à l'amour très égoïste d'une mère possessive et castratrice, et MAUDE, une octogénaire au contraire joyeuse et un rien déjantée, que tout émerveille et passionne. La différence d'âge ne les éloigne pas, au contraire elle les aimante, elle les exalte et les illumine.
Oubliant son attirance pour la mort, renonçant à mettre en scène ses faux suicides qui terrorise sa mère, HAROLD retrouve le chemin du bonheur.
Malgré les efforts désespérés de sa mère et le recours aux petites annonces pour lui trouver l'âme sœur, Harold décide d'épouser MAUDE ; ils vont vivre ensemble quelques ultimes heures de liberté faisant fi des conventions bourgeoises et des règles établies, échappant aux codes de bonne conduite, et aux rites de la société de consommation et de la société tout court. En extase devant le spectacle féérique de la nature, sur la terre comme au ciel, envoutés par la musique qui sauve de tout, ils échangent promesses et anneaux symboliques. Hélas, L'amour charnel qu' HAROLD appelle de ses vœux semble impossible à vivre aux yeux de MAUDE...
Points forts
1/ Le lever de rideau. Le démarrage-choc, les premières scènes du jeune héros blessé et incompris en conflit avec sa mère, madame Chaesen, femme superficielle et insupportable. La mise en scène de sa souffrance intérieure... avec ses faux suicides qui n'ont pour objet que d'attirer l'attention sur son mal être. Spectaculaire , très drôle et émouvant à la fois.
2/ La montée en puissance du drame qui s'annonce, depuis les scènes les plus cocasses du premier acte jusqu'à la scène finale en passant par les saisies judiciaires et les brimades policières, les (brèves) rencontres avec des jeunes filles candidates au mariage, coincées ou délurées, recrutées via petites annonces par un mère impatiente.
3/ L'interprétation. Le rôle tout à fait exceptionnel de MAUDE, tout en finesse et en drôlerie. Petit oiseau sur la branche ou vieille dame indigne, MAUDE résiste à tout, MAUDE est attirante, MAUDE est désarmante. A l'instar d'HAROLD, la salle entière tombe amoureuse d'Ines Aguettant, alias MAUDE.
La maman, Madame Chaesen, sans nuance, très drôle dans ses outrances et ses certitudes, qui montre beaucoup d'aisance dans ses rapports avec son entourage proche, toubib complice ou abbé confesseur,
HAROLD lui même, avec moins d'épaisseur, mais qui communique progressivement son désarroi et son émotion avec, en point d'orgue, l'exécution d'une danse du chant du cygne, tel un immense oiseau blessé, tout à fait spectaculaire.
4/ Le message métaphorique
Véritable hymne à l'amour, à la liberté, HAROLD et MAUDE est une somme de métaphores universelles (fleur et nature, ciel et espace, communication et musique, gratuité et confiance , sens et essences des choses, maison et matérialisme..). La pièce, écrite pour Madeleine Renaud dans les années 80, est une synthèse contestataire de la société de consommation aliénante (et récemment hyper médiatisée) d'aujourd'hui , mais tirant son origine de l'émergence de la génération hippy post soixante huitarde et du film éponyme sorti en 1970 ! Le metteur en scène nous le dit très bien " Entre désespérer de la nature humaine ou décider de l'aimer inconditionnellement, éperdument, sans jugement, MAUDE a choisi, HAROLD aussi..à son tour". Et nous encore, en 2018, sans hésitation !
Quelques réserves
Une certaine lenteur d'exécution. Les enchainements entre les différents tableaux manquent de fluidité. Les personnages secondaires, si intéressants soient ils, viennent brouiller les cartes et nous éloigner du sujet. Certaines scènes sont trop longues, ce qui se passe dans la future ex- maison de MAUDE, ou ce qui lui ressemble, par exemple.
Certains diront "déjà vu" , "déjà dit" , déjà "interprété " brillamment d'ailleurs, par des MAUDE stars , telle Line Renaud ou Madeleine Renaud. C'est vrai. Mais une piqure de rappel de bonheur ne peut que faire du bien. Denrée rare à l'heure actuelle. Le thème est universel, l'amour est éternel comme le théâtre et cette MAUDE là, si frêle, si délicieuse n'est pas loin d'être unique.
Encore un mot...
La rencontre fusionnelle et pétillante entre un ado dépressif et imaginatif et une veuve joyeuse émancipée du 4è âge fait des étincelles et nous emmène au 7e ciel : que du bonheur ! L'Amour entre deux êtres est plus fort que tout. Il renverse tous les tabous et nous fait toucher à l'essence même de la vie. Existentiel !
Une phrase
MAUDE : " Château, roulotte, chaumière... chacun est enfermé mais on peut ouvrir les fenêtres, baisser les pont- levis, partir en visite, découvrir les autres, s'arrêter, voler... Ah, c'est si bon de sauter le mur et de dormir à la belle étoile. " "... Partons, allons capturer le vent ! "
L'auteur
Colin HIGGINS né en 1941, mort en 88. Etudiant à l'école de cinéma de l'UCLA en Californie, il écrit son premier scénario, HAROLD et MAUDE. On est en pleine période hippy, à la fin des années 60. Il en tire un roman, ce sera le seul de sa courte vie. Enorme succès dans le public auprès notamment des jeunes générations avides de liberté et de paix, adeptes de l'amour sans entraves, du retour à la nature etc. Livre-culte au même titre qu'un film comme Woodstock ou des chansons des Pink Floyd. Réalise ensuite des films qui ont marqué comme Nine to five et Foule Play ("Drôle d'embrouille"). Travaille avec Jane Fonda et Shirley MacLaine.
Jean Claude CARRIERE a adapté l'œuvre pour le théâtre au début de sa longue et prolifique carrière de scénariste (Belle de Jour, le Retour de Martin Guerre, Le Chien Andalou ou le Charme discret de la Bourgeoisie...) à la demande de Jean Louis Barrault et de Madeleine Renaud qui fut la première MAUDE en France (1971).
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