Hamlet
Infos & réservation
Thème
Le jeune prince du Danemark est désemparé par la mort brutale de son père dont le fantôme lui révèle que son propre frère Claudius l’a empoisonné . Vengeance! Hamlet s’y emploiera avec fureur d’autant que sa mère a aussitôt épousé le meurtrier et s’exhibe avec lui de manière sexuelle outrancière. Hamlet devient-il vraiment fou ou sa folie est-elle une ruse pour tromper son monde et accomplir la vengeance? Fait-il l’âne pour avoir du son? Là est aussi la question.
A l’époque de Shakespeare ( 1564-1616), épouser son ex beau-frère, même si le mari était mort, constituait un inceste. Le mot est dit dans la pièce.
Il y a mille histoires dans ce texte où tout est double et contradictoire; et chaque meurtre, prémédité ou non, ferait un scénario de fait-divers aux actes irrémédiables. Le tout magnifié et rendu universel par les thèmes shakespeariens de l’amour, la haine, les ravages mortifères du pouvoir, l’ambiguité des parentés, la philosophie, la psychanalyse bien avant l’heure, la poésie…
En croyant tuer l’ usurpateur , Hamlet tuera le père de celle qu’il aime, sans savoir l’aimer : Ophélia. Depuis, la longue chevelure de la jeune fille flotte au fil des rivières….
Points forts
1) Le père.
Le père du spectacle : Daniel Mesguich. Fidèle à un voeu de sa jeunesse, il monte Hamlet tous les dix ans depuis près de 40 années : « Comme si c’était me ressourcer, pour ne pas perdre le Danemark, ce nord…" Shakespeare lui-même ne réécrivit-il pas sa pièce à plusieurs reprises?
Mesguich est aussi le père du jeune prince car c’est sa voix que l’on entend dans celle du spectre. Et nous l’espérions sa voix, tant elle est unique, magnifique, familière, si juste, si inspirée et remplie de rigueur et de pensée théâtrale. Nous aurions été déçus qu’il ne soit pas un peu présent dans ce spectacle. Et puis…Shakespeare lui-même interprétait le spectre.
Acteur et metteur en scène prolixe sur les grandes scènes françaises et internationales, D. Mesguich, formé avec Antoine Vitez et Pierre Debauche, est devenu très populaire par la télévision et ses rôles dans des films comme « La banquière » avec Romy Schneider.Il fut aussi Berlioz et Napoléon. Les gens l’aiment. Ils aiment les voix singulières et très reconnaissables, qui accompagnent leur vie.
Des vedettes comme Richard Anconina, Sandrine Kiberlain, Philippe Torreton…furent ses élèves. Directeur du Conservatoire National, de 2007 à 2013, l’aventure se sera terminée dans le bruit et la fureur à la suite d’une lettre de contestation d’un groupe d’élèves mais cela le public n’en a cure. Les sièges des institutions culturelles sont forcément éjectables. Et depuis, Mesguich n’est pas resté en pilotage automatique.
« Mettre en scène Hamlet, c’est aspirer à mettre en scène le théâtre » écrit-il dans sa présentation publiée avec la pièce, aux éditions Albin Michel.
2) Le fils.
William Mesguich, le fils du metteur en scène, joue Hamlet. William….comme William Shakespeare, of course…. Ne sommes-nous pas dans un dédoublement intéressant?
Le fils ressemble au papa. Un côté Samouraï et implacable, tout dans la présence-distance, comme lui. Il n’imite pas sa voix. Jeune et beau héros, flamboyant dans ses longs manteaux de cuir ou de drap, il ne porte qu’un gant rouge ensanglanté et une seule botte aussi. La seconde est portée par son double, un jeune adolescent. Car chez D. Mesguich tout est en double et en miroir depuis toujours. Comme le nom de sa compagnie, « Miroir et Métaphore ».
William M nous émeut dans la fameuse tirade que l’on attend comme un air d’opéra tant de fois ouï mais toujours désiré. Un vrai silence se fait alors dans le public. Le chagrin est palpable. On ne dévoilera pas le suspens car pendant un moment nous pensons que cette tirade n’aura pas lieu. Chaque metteur en scène voulant recréer le fameux « Etre ou ne pas être »….Telle est aussi la question.
3) L’esprit.
L’intelligence. La réflexion. L’intensité du commentaire. Le texte. On entend le texte. Les allitérations et les assonances ne sont pas des gros mots à éviter. Il y a le texte, mais aussi « le second texte… le texte invisible » c’est à dire « composé des commentaires, des analyses… des souvenirs d’autres mises en scènes… ». Bref, D. Mesguich se livre à un travail autobiographique fait de sa propre vie et de ses recherches théâtrales et philosophiques.
Quelques réserves
Le visuel, le décor ne sont pas toujours à la hauteur. Sur fond de ciel noir piqué de mille étoiles comme si la Grande Ourse s’était désarticulée, des cadres de miroirs sans miroirs se dédoublent et le rideau de scène, rouge, à l’Italienne, est entouré d’un grand encadrement doré. Seulement, les scènes d’intérieurs ont une esthétique moins heureuse , un peu cheap, avec de grands rideaux assez laids, des chaises d'invités argentées et un sol en carrelage noir qui crie misère. L’ensemble visuel rappelle un style décoratif banalisé dans les années 80…1980. C’est dommage car cela donne au spectacle un côté un peu vieillot.
Encore un mot...
Le théâtre de l’Epée de bois, tout en bois, comme son nom l’indique, a quelque chose d’élisabéthain, à la lisère de la forêt de Vincennes. Un lieu simple, chaleureux et confortable. On y va jusqu’au bout de la nuit.
La recherche de Daniel Mesguich sur Hamlet, une forme de folie douce, fait partie de l’Histoire du théâtre. Lui-même fait partie de l’Histoire du théâtre et de nos vies, depuis ses débuts à l’époque de Patrice Chéreau . Nous attendons sa prochaine mise en scène. Bien avant un nouvel Hamlet , dans dix ans….
Shakespeare l’écrit: « Dieu a fait naître l’homme pour réajuster le temps ».
Ajouter un commentaire